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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DES PLANTES POTAGERES.


promptement que celles de patate, parce que les tiges de cette plante ont à chaque nœud des rudimens de racines qui ne demandent qu’un peu d’humidité et d’ombre pour s’alonger. Aussitôt que la plantation du moment est faite, il faut empêcher les boutures de trop transpirer en les couvrant d’un châssis en papier huilé, ou du moins avec des branchages soutenus par des gaulettes, et mettre un obstacle au vent qui pourrait souffler violemment dessous par les côtés. On plante ainsi des boutures successivement à mesure que les tiges poussent et s’alongent sur les tubercules, et ce tous les 5 ou 6 jours pendant le courant d’avril. A la fin du mois ou dans les premiers jours de mai, les premières boutures doivent être assez fortes pour être mises en place, et il faut s’occuper de cette opération.

Le terrain dans lequel on veut planter les patates a dû être bien ameubli, bien divisé comme une terre de jardin, par un labour d’automne et un labour de mars ; maintenant, il faut diviser ce terrain en petits billons ou ados dirigés du nord au sud, larges chacun de 3 traits de charrue ; cela s’exécute facilement en laissant au milieu la largeur d’un trait, et en renversant sur ce milieu la terre du trait ou du sillon de droite et de gauche. Chaque billon se trouve ainsi séparé par deux traits de charrue et à la distance requise. Cette opération faite, on prend un panier large, une bèche ou une houlette, on se transporte à la planche aux boutures, auxquelles on aura dû ôter les châssis de papier ou les branchages au moins 8 jours d’avance ; on lève en motte autant que possible les plus anciennes boutures, ou les met dans le panier, on les porte sur le terrain, on fait un trou avec la main, au bout et au sommet du premier billon, on en émiette bien la terre, on y plante une bouture, en étendant bien les racines, en couchant la tige de manière qu’elle ait de 2 à 4 nœuds enterrés et recouverts de 18 à 24 lignes de terre, et de sorte qu’après l’opération la plante se trouve dans un enfoncement évasé à pouvoir être rechaussée quelque temps après. La seconde bouture se plante de la même manière à 2 pieds 1/2 de la première, et ainsi de suite. Il faut tâcher que la dernière plantation ne se fasse pas plus tard que le 15 mai. Si à l’époque de la plantation il faisait très-chaud ou si la terre était sèche, il serait utile de donner une demi-bouteille d’eau à chaque plante.

Quand les tiges se seront ramifiées et alongées de 12 à 15 pouces, on rechaussera le pied en remplissant la petite fossette et en couvrant de terre quelques nœuds du bas des tiges ; il en résulte une espèce de marcottage qui multiplie les racines et le nombre des tubercules. Les soins subséquens sont des binages pour entretenir la terre propre et pour l’empêcher de se durcir. Si pendant l’été les pluies étaient rares et que les plantes parussent souffrir, quelques arrosemens à fond seraient très-avantageux. Autant la patate craint l’eau quand elle ne végète pas, autant elle l’aime quand elle végète vigoureusement ; mais il ne faut plus arroser après le 15 septembre, dans la crainte de nuire à la qualité des tubercules.

Nous venons de conseiller de planter sur des billons, parce que les tubercules s’y font mieux, sont de meilleure qualité et d’une extraction plus facile qu’en terre plane. Nous avons conseillé aussi de diriger les billons du nord au sud, afin que le soleil en échauffe un coté le matin et l’autre l’après-midi, car la patate aime beaucoup la chaleur.

Récolte. C’est en octobre et novembre que les tubercules patates se récoltent. On commence par supprimer les tiges, ensuite on détourne la terre avec une bêche, et on tire les patates avec la main en prenant garde do les casser ou de les meurtrir, car ils sont très-tendres, et la moindre blessure les fait pourrir. On les laisse se ressuyer sur le terrain pendant quelques heures si le temps est sec, et vers le soir on les porte sous un hangar aéré, où on les étend sur de la paille pendant six ou huit jours, en les retournant une fois le troisième ou le quatrième jour.

Moyens de conservation. — Il parait suffisamment démontré que pour que les patates puissent se conserver hors de terre, il faut les abriter du contact de l’air, de la lumière, les tenir très-sèchement et dans une température peu variable entre +8 et 12 degrés de Réaumur. Pour atteindre ces buts, on doit avoir ou du foin très-sec sans odeur, ou de la menue paille, ou de la sciure de bois, ou même de la cendre dans le plus grand état de siccité : on en place un lit dans le fond d’une futaille, puis un lit de patates assez éloignées pour qu’elles ne se touchent pas, et on continue d’alterner les lits jusqu’à ce que la futaille soit pleine et de manière que le dernier lit soit de foin, de paille ou de la substance employée ; on refonce la futaille et on la place en lieu sec où la température se lient au degré indiqué.

Usages de la patate. — La patate est un aliment très-sain, très-agréable, que l’art culinaire sait varier de mille manières différentes ; mais on convient généralement que cuite entière, sous la cendre ou à la vapeur, elle est plus savoureuse que préparée de toute autre manière. Dans les colonies elle forme une grande partie de la nourriture des habitans. Les jeunes tiges et la sommité des anciennes se mangent en asperges ou en petits pois. Les feuilles se préparent comme des épinards, et ne sont pas moins bonnes. Les chevaux, les vaches, les moutons mangent les tiges et les feuilles avec avidité, et elles sont pour eux une nourriture très-salutaire.

Poiteau.



CHAPITRE IV. — Des plantes potagères et de leur culture spéciale.

Un assez grand nombre de plantes utiles sont également cultivées dans les champs et dans les jardins ; telles sont les Pommes-de-terre, Carottes, Navets, Panais, Topinam-