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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


mation, de la difficulté des transports, du mauvais état des routes, fréquentent rarement les villes, les foires ou les marchés, ont intérêt à transformer leur laitage en produits qui puissent être de garde et voyager au loin, tels que le beurre fondu ou salé, comme cela se fait en Bretagne, et les fromages, ainsi que nous le voyons dans une multitude de lieux divers de la France et des pays étrangers. Il y a aussi des circonstances où il est plus profitable de faire consommer dans la ferme tous les produits de la laiterie.

On peut distinguer trois sortes de laiteries, suivant la destination qu’on donne à cet établissement, savoir : 1o  la laiterie à lait ; 2o  la laiterie à beurre ; 3o  la laiterie à fromage. Cette distinction est tout arbitraire, puisqu’on fait souvent du beurre dans les laiteries où l’on conserve et débite du lait frais, et qu’il n’est pas rare devoir fabriquer du beurre et du fromage dans le même établissement ; mais elle sert à faire saisir plus nettement les travaux qui sont propres à chacune de ces branches distinctes de la laiterie.

Section 1re . — Laiterie à lait.

§ 1er. — Construction de la laiterie.

La laiterie à lait est celle qui sert uniquement à conserver ce liquide pendant plus ou moins de temps et à y recueillir la crême pour les débiter ou les consommer journellement.

L’établissement d’une pareille laiterie est fort simple, et ce n’est souvent qu’une chambre, une cave, ou une pièce fraîche dans la laquelle on dépose le lait après la traite jusqu’à ce qu’il soit livré à la consommation, néanmoins, comme nous la considérons ici comme le premier degré d’un établissement agricole étendu, où l’on fabrique tous les produits divers qu’on peut retirer du laitage, nous entrerons dans tous les détails nécessaires à la formation et à la direction d’une grande exploitation de ce genre, chacun pouvant, suivant le besoin ou la localité, modifier les dispositions, les plans ou les travaux que nous allons faire connaître.

Dans l’établissement d’une laiterie il faut avoir égard à plusieurs considérations qui ont une influence très-marquée sur la conservation et la perfection des produits, et par conséquent sur les profits qu’on en retire.

La convenance de la situation est la première chose qu’il faut envisager avant d’entreprendre une construction de ce genre. En effet, si cette laiterie est mal exposée, si elle est située dans un lieu incommode, d’un accès difficile pour les hommes et les animaux, trop loin des bâtiments d’exploitation ou d’habitation, ou dans un endroit insalubre, etc., non seulement on perd beaucoup de temps dans les travaux, mais encore rien ne marche convenablement et les produits qu’on obtient sont de médiocre qualité.

L’emplacement est le deuxième objet qu’il faut prendre en considération. La laiterie doit, autant que possible, être située dans l’endroit le plus tranquille et le plus ombragé de la ferme, près d’une petite rivière, d’un ruisseau, d’une source, d’une fontaine ou bien d’une glacière, ou d’un puits. On l’éloignera généralement de tout ce qui exhale des vapeurs ou des miasmes insalubres. En pays de montagnes, comme dans le Mont-d’Or, le Cantal, l’Aveyron et la Suisse, on la creuse quelquefois dans le roc quand il est sec et de nature convenable. Enfin, quand toutes ces conditions ne se rencontrent pas, on la place sous les bâtiments de la ferme, dans la partie la plus propre, sous celle qui sert d’habitation, afin de pouvoir y exercer une surveillance très-active.

L’exposition au nord paraît être la plus favorable ; celle au nord-ouest est également bonne, ou au moins la laiterie doit avoir vers ces expositions une de ses faces percée d’ouvertures pour qu’on puisse y admettre un courant d’air dans ces directions. Autant que possible, elle sera ombragée du côté du midi. Ce qu’il importe c’est que cette salle soit sèche, bien aérée, à l’abri des grandes chaleurs en été, et des vents froids et violents en hiver.

Le plan en est bien simple ; c’est une salle carrée ou mieux en carré long, ayant une porte d’un côté et deux ouvertures opposées pour renouveler l’air. À cette salle est attenante une autre pièce sans communication directe avec la première et quelquefois un simple appentis où se font la plupart des manipulations et des travaux de propreté, et qu’on nomme le lavoir ou échaudoir.

L’étendue dépend de la grandeur de l’exploitation et de la quantité de produits qu’on veut y déposer. Dans tous les cas, il est avantageux que la laiterie soit spacieuse, ainsi qu’on le pratique généralement en Hollande, parce qu’il est plus aisé d’y renouveler l’air, de la sécher complètement, qu’elle est plus salubre, et qu’il n’est pas nécessaire alors de mettre les vases à lait les uns sur les autres, comme on le pratique à tort quelquefois. Marshal assigne à une laiterie où l’on dépose le lait de quarante vaches, 20 pieds de longueur sur 16 de largeur, et ajoute que 40 pieds sur 30 suffisent pour une laiterie de cent vaches. Dans quelques pays on compose la laiterie de plusieurs petites pièces contiguës ; dans d’autres, comme dans la vallée d’Auge (Calvados), on ne lui donne pas plus de 5 pieds d’élévation ; mais ces dispositions ne sont pas convenables, en ce que les unes nuisent à la salubrité de la laiterie et les autres à la propreté, à la célérité des travaux, et ne permettent pas d’établir promptement une température égale et fixe.

La construction. Une bonne laiterie devant être à quelque profondeur au-dessous du niveau du terrain extérieur, afin d’être fraîche en été et chaude en hiver, c’est la nature du terrain qui déterminera la profondeur à laquelle on doit la construire. Celle qui est représentée en tête de cet article (fig. 1), et qui se trouve à la belle Ferme anglaise de Billancourt, près le pont de Sèvres, nous a paru un bon modèle à offrir. Dans un terrain sec, sablonneux, on l’enfonce quelquefois au-dessous du niveau du sol, quoique cette méthode présente quelques difficultés pour la ventilation et surtout pour l’écoulement des eaux, dans un terrain humide et sujet aux infiltrations, il faut au contraire la