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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


§ III. — 3e opération. — Manière de presser les fromages et de les traiter pendant la pression.

Après que le fromage a été suffisamment divisé et passé au moulin, on l’exprime autant que possible avec les mains. On remplit les formes, en ayant soin de comprimer fortement la pâte ; on la couvre d’un linge, et on renverse le fromage dessus ; on lave la forme dans le petit-lait chaud, on l’essuie, et on y remet le fromage enveloppé dans son linge, sur lequel on a versé un peu d’eau chaude, ce qui durcit ses parois et l’empêche d’éclater, de se fendiller. On porte le moule sous la presse, et on opère une pression graduée ; on le laisse 2 heures, après lesquelles on retire le moule pour changer de linge ; on le replace sous la presse, où il reste 12 ou 24 heures.

Des cercles et des filets sont employés pour entourer le fromage et l’empêcher de sortir par-dessus la forme. Ces cercles sont en étain ou en fer-blanc ; leur partie inférieure est engagée dans l’orifice du moule. Quelques-uns, au lieu de cercles métalliques, emploient des filets ou cercles de toiles claires. On enfonce un de leurs bords avec un couteau de bois entre le linge à fromage et la forme ; on ramène l’autre bord en serrant tout autour du fromage ; on le fixe avec de fortes épingles, de sorte qu’il s’applique exactement.

On pique le fromage, lorsqu’il est de forte dimension, avec des brochettes de fer, qu’on enfonce à travers des trous qui sont ménagés dans les cercles, formes ou ronds à fromages, et plus il est retourné et changé, mieux il se comporte. On le laisse rarement moins d’une heure et jamais plus de 2 heures après qu’il a été mis en presse la première fois, avant de le retourner et de le changer de linge.

On échaude le fromage dans quelques localités, surtout en Angleterre, en le plaçant au bout de 2 ou 3 heures, et sans linge, dans un vase rempli de petit-lait ou d’eau chaude. La trempe dure 1 heure ou 2. Cet échaudage durcit la croûte et l’empêche de lever, de former des creux ou réservoirs d’air. Quand l’opération est terminée, on essuie le fromage, et on l’enveloppe avec un linge sec pour le replacer dans sa forme bien nettoyée, et sous la presse. Quelquefois, pour donner issue à l’air, on le pique, sur la surface supérieure, à un ou deux pouces de profondeur, avec de petites aiguilles ; on le frotte avec un linge sec, et on le remet en forme. Cette opération dure 2 ou 3 jours, pendant lesquels il est retourné 2 fois par jour. On emploie à chaque fois des linges de plus en plus fins et clairs. Après ce temps, on le sort de la presse tout-à-fait. Au lieu de se servir, comme dans le Gloucester, de linges ou canevas en gaze, lorsqu’on retourne pour les deux dernières fois, afin qu’aucune impression de la toile ne reste à la surface, quelques personnes mettent le fromage à nu dans la forme ; de cette manière toute espèce de marque de la toile est effacée.

On peut se dispenser de l’échaudage pour les fromages qui se consomment sur place ; dans ce cas, ils prennent mieux le sel, se passent plus promptement et sont plus vite bons à manger.

Lorsque le linge reste sec au sortir de la presse, c’est un indice que le fromage ne contient plus de petit-lait.

§ IV. —4e opération. — Manière de saler.

La salaison se fait de 2 manières. Aussitôt que le fromage est sorti de la presse, on le place sur un linge propre dans la forme, on le plonge ainsi arrangé dans une forte saumure, où il reste plusieurs jours ; on l’y retourne au moins une fois par jour. — Autrement, on couvre la surface et on frotte les côtés avec du sel pilé chaque fois qu’on le retourne ; on répète cette opération plusieurs jours consécutifs, ayant soin de changer 2 fois le linge pendant ce temps. On commence la salaison 24 heures après la fabrication, et dans quelques laiteries, pendant la pression. En général, on sale quand le fromage est complètement pressé.— Dans l’une ou l’autre pratique les fromages ainsi traités sont ôtés de moule et placés sur des tables à saler. Pendant 10 jours on frotte la surface avec du sel fin une fois par jour ; si le fromage est gros, on l’enveloppe avec un cercle ou un filet, pour qu’il ne se fende pas, ensuite on le lave avec de l’eau chaude ou du petit-lait chaud, on l’essuie avec linge sec, on le place sur une planche à fromage pour sécher : il y reste pendant une semaine, on le retourne 2 fois par jour ; on le porte ensuite au magasin pour faire place aux autres.

La quantité de sel consommée est à peu près de 2½ k. (5 liv.) pour 50 k. (100 liv.) de fromage ; on n’a pas estimé la proportion qui est retenue. Les Hollandais mettent un soin tout particulier dans le choix du sel qu’ils emploient pour saler leurs fromages. Tantôt c’est un sel fin, évaporé en 24 heures, dont ils font usage surtout pour les fromages de Leyde ; tantôt un sel évaporé en 3 jours qui sert à imprégner à l’extérieur les fromages d’Edam et de Gouda, et qui est en cristaux d’un demi-pouce cube ; tantôt, enfin, un sel en gros cristaux, d’un pouce cube, obtenus après une évaporation lente soutenue pendant 5 jours, et qui sert aux fromages les plus fins. Ils sont aussi très-scrupuleux sur la quantité de chacun des sels qu’ils donnent à chaque sorte de fromage, et ont depuis long-temps déterminé cette quantité avec la plus exacte précision.

Lorsque le fromage sort de la presse pour être transporté au saloir, on le tient chaudement jusqu’à ce qu’il ait sué, qu’il soit sec et raffermi d’une manière uniforme.

§ V. —5e opération. — Maturation et traitement au magasin.

Lorsque les fromages ont été salés et sèches, on les porte au magasin. Là, ils sont placés sur des tablettes ou casiers jusqu’à ce qu’ils soient passés, pendant un temps plus ou moins long, suivant l’espèce. Pendant les 10 ou 15 premiers jours on les frotte vivement avec un linge une fois par jour, ou on les enduit avec du beurre. Durant tout le temps de leur séjour au magasin on les surveille journellement, on les retourne de temps en temps, on les frotte ordinairement 3 fois par