Aller au contenu

Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, III.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
chap. ier
39
FABRICATION DES FROMAGES.


semaine en été et 2 fois en hiver, toutes les fois qu’il se forme un léger duvet à la surface.

Ces principes généraux s’appliquent plus particulièrement à la fabrication des fromages non cuits. Dans les fromages cuits, la seule différence est dans la coagulation à une température plus élevée et une cuisson particulière du caillé. Les autres opérations sont à peu près les mêmes. On verra dans les procédés qui vont être décrits qu’une légère variation dans la manipulation et la forme des ustensiles fait varier d’une manière plus ou moins grande la qualité des fromages dans le même pays ou des lieux peu éloignés les uns des autres. Employer du bon lait, suivre de bonnes méthodes, sont les conditions nécessaires, avec un peu d’habitude, pour faire de bons fromages et utiliser avantageusement tous les produits du lait.

Art. IV. — Procédés particuliers de fabrication.

Nous distribuerons les fromages en quatre catégories ; savoir : 1o Fromages faits avec le lait de vache ; — 2o Fromages faits avec le lait de brebis ; — 3o Fromages faits avec le lait de chèvre ; — 4o Fromages faits avec plusieurs laits mélangés.

§ 1er. — Fromages de lait de vache.
I. Fromages mous et frais.

On en fait de trois sortes : 1o Fromage maigre à la pie, avec le lait écrêmé ; 2o Fromage avec le lait non écrêmé : leur fabrication n’offre rien de particulier : c’est tout simplement du caillé égoutté ; 3o fromage à la crême avec addition de tout ou partie de la crême de la traite précédente, et qui exige quelques détails.

1er. Fromages de Viry, Montdidier, Neufchâtel.

On met environ 2 cuillerées de présure dans 8 ou 10 litres de lait chaud, auquel on a ajouté de la crême fine levée sur le lait du matin. Trois quarts-d’heure après, quand le caillé est formé, on le dépose, sans le rompre, dans un moule en bois, en osier ou en terre, percé de trous et garni d’une toile claire. On le comprime avec un poids léger placé sur la rondelle qui le recouvre. À mesure que le fromage égoutte, on le retourne avec précaution, et on le change de linge toutes les heures. Lorsqu’on peut le manier sans risque de le casser ou de le déformer, on l’ôte de l’éclisse et on le dépose sur un lit de feuilles ou de paille. Les meilleures feuilles pour cet objet sont celles de frêne. Le fromage est bon à manger pendant huit ou quinze jours ; il est alors moelleux et agréable. On lui donne quelquefois ce qu’on appelle un demi-sel ; il se conserve alors plus long-temps dans un endroit frais, qui ne soit pas toutefois trop humide ou trop sec. C’est par un procédé analogue que l’on prépare les fromages de Viry, de Montdidier et de Neufchâtel, qui se mangent frais à Paris. Ces derniers sont en petits cylindres longs de trois pouces sur deux de large, enveloppés dans du papier Joseph, qu’on mouille pour les tenir frais.

II. Fromages mous et salés.
2e. Fromage de Neufchâtel.

La fabrication des fromages de Neufchâtel salés, qui sont vendus à Paris sous le nom de bondons, a été très-bien décrite par M. Desjoberts, de Rieux (Seine-Inférieure), et nous lui empruntons ce que nous allons en dire ici. Après chaque traite de la journée on transporte le lait à l’atelier ; on le coule tout chaud, à travers une passoire (Voy. Lait, fig. 9 à 13), dans des pots ou cruches de grès qui contiennent 20 litres. On met en présure, et on place les cruches dans des caisses recouvertes d’une couverture de laine. Le 3e jour au matin on vide ces cruches dans un panier d’osier, qu’on pose sur l’évier ou table à égoutter ; les paniers sont revêtus en dedans d’une toile claire. Le caillé, qu’on laisse ainsi égoutter jusqu’au soir, est retiré ensuite du panier, enveloppé dans un linge, et mis à la presse, sous laquelle il reste jusqu’au 4e jour au matin. Alors on remet le caillé dans un autre linge propre ; on le pétrit, on le frotte dans le linge en tous sens, jusqu’à ce que les parties caséeuses et butireuses soient bien mêlées, que la pâte soit homogène et moelleuse comme du beurre ; si elle est trop molle, on la change de linge ; si elle est trop ferme ou cassante, on y ajoute un peu de la pâte du jour, qui égoutte. Pour presser, on fait usage de la presse à poids, qu’on charge graduellement.

Quant au moulage, il se fait dans des moules cylindriques de fer-blanc de 5½ cent. (2 po.) de diamètre, sur 6 cent. (2 po. ¼) de hauteur. On fait des pâtons ou cylindres un peu plus gros que le moule ; on les place dans celui-ci, qu’ils dépassent des 2 bouts ; en tenant un moule de la main gauche, on y met chaque pâton de la main droite. On pose le moule sur la table, et appuyant dessus la paume de la main gauche, on fait sortir l’excédant, en comprimant pour qu’il ne se trouve aucun vide. On râcle avec un couteau le dessous et le dessus du moule ; puis on fait sortir le pâton en prenant le moule dans la main droite, en le frappant légèrement, et en le tournant de la main gauche, il serait peut-être plus commode d’avoir un moule qui pût se briser dans sa longueur en 2 parties, retenues aux extrémités par des cercles.

Au sortir du moule, le fromage est salé avec du sel très-fin et sec. On saupoudre d’abord ses deux bouts, et ce qui reste dans la main suffit pour le tour, qu’on en imprègne en roulant le pâton dans la main. On emploie une livre de sel pour 100 fromages. À mesure qu’on les sale, ces pâtons sont placés sur une planche qu’on dépose sur les tables. Là ils égouttent jusqu’au lendemain, où les planches sont portées sur des claies ou châssis à claire-voie, garnis d’un lit de paille fraîche. On couche les bondons par rangs égaux en travers du sens de la paille, assez près les uns des autres, mais sans se toucher. Ils restent ainsi pendant 15 jours ou 3 semaines, et on les retourne souvent pour que la paille n’y adhère pas. Lorsqu’ils ont un velouté bleu on les transporte au magasin