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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


ou chambre d’apprêt. Là ils sont posés debout sur des claies garnies de paille, et retournés de temps en temps. Au bout de 3 semaines, on voit paraître des boutons rouges à travers leur peau bleue ; c’est un signe qu’ils sont arrivés au point ou on peut les mettre en vente. Cependant ils ne sont pas encore assez affinés en dedans pour être mangés ; il leur faut encore une quinzaine à peu près pour compléter cet affinage. A Paris, les marchands les affinent à la cave suivant leur débit. Ces fromages demandent beaucoup de soins et d’attention au magasin. Lorsqu’on veut les garder longtemps, on les fait sécher davantage. Ils peuvent être affinés de la même manière que les fromages de Brie.

3e. Fromage de Brie.

C’est un fromage très-bon lorsqu’il est fait avec tous les soins convenables. On en rencontre de beaucoup d’espèces, mais peu de parfaits. Il s’en fait une grande consommation à Paris, et sa fabrication, qui offre peu de difficulté, demande cependant beaucoup d’attention et de propreté. Les meilleurs se font en automne ; ceux des autres saisons se mangent à demi-sel et non passés. Quelquefois il s’en trouve parmi ces derniers de fort bons.

Coagulation. On prend le lait chaud de la traite du matin, qu’on passe inmmédiatement il travers un linge ; on ajoute la crême de la traite du soir de la veille, et, avec de l’eau chaude, on amène le mélange à la température de 30° à 36° centig. pour faire prendre le lait. On met la présure dans un nouet de linge fin ; on la délaie, ainsi enveloppée, dans le lait. Une cuillerée suffit pour 12 litres de lait. On couvre, et on laisse en repos une bonne demi-heure. Si le caillé n’est pas formé, on remet un peu de présure, et on couvre de nouveau.

Egouttage. Lorsque le caillé est formé, on le remue dans le sérum, d’abord avec un bol ou écuelle de bois, puis avec les mains. On le presse dans le fond du vase ; on l’enlève ensuite avec les mains ; on en remplit le moule en pressant fortement ; on le couvre avec une planche, qu’on charge, pour le comprimer, avec des poids. Ces fromages ont 32 cent. (1 pi.) environ de diamètre, et 27 mill. (1 po.) d’épaisseur.

Pression. Lorsque le fromage est égoutté, on met un linge mouillé sur la planche du moule, et on y renverse le fromage. On étend un linge dans le moule ; on y replace le fromage, qu’on enveloppe ; on met le couvercle, et on le porte sous la presse. Au bout d’une demi-heure, le linge est changé et le fromage pressé de nouveau. Cette opération est répétée toutes les 2 heures jusqu’au soir du lendemain ; la dernière fois, le fromage est mis à nu dans la forme, et pressé sans linge pendant une demi-heure ou plus.

Salaison. Au sortir de la presse, le fromage est mis dans un baquet peu profond, et frotté avec du sel fin et sec des 2 côtés. On le laisse reposer toute la nuit, et le lendemain il est frotté de nouveau ; puis on le laisse 3 jours dans la saumure, au bout desquels on le met sécher dans la chambre aux fromages, qui doit être sèche et aérée, et meublée de tablettes garnies d’un tissu de jonc ou de paille appelé cajot, et en ayant soin de le retourner et de l’essuyer une fois par jour avec un linge propre et sec ; il est utile que la dessiccation soit prompte. Ces fromages se gardent en cet état jusqu’au moment de les affiner.

Affinage. Pour procéder à cette opération, le fromage est placé dans un tonneau défoncé, sur un lit de menues pailles ou balles d’avoine de 3 ou 4 pouces d’épaisseur ; on le couvre d’un lit de la même paille et de la même épaisseur ; on continue cette stratification en couches alternatives de paille et de fromages jusqu’au-dessus du tonneau, en ayant soin de finir par la paille. Quelques personnes, pour empêcher que ces menues pailles n’entrent dans la croûte, étendent d’abord dessus et dessous des cajots de paille fine. Le tonneau est porté dans un endroit frais, mais sans être humide. En peu de mois les fromages s’y ressuient, leur pâte s’affine, et, comme ils sont pleins de crême, ils deviennent bientôt très-délicats. Traités ainsi, les fromages finissent par couler ; c’est le signe d’un commencement de fermentation, qui amènerait la décomposition. La pâte alors se gonfle, fait crever la croûte, et s’écoule sous forme de bouillie épaisse, d’abord onctueuse, douce et savoureuse, mais qui ne tarde pas à prendre un goût piquant et désagréable, à mesure que la putréfaction fait des progrès. Il y a un moment précis qu’il faut saisir pour les manger à leur point de perfection.

A Meaux, on ramasse soigneusement la pâte des fromages, à mesure qu’elle s’écoule, sur des planches tenues très-proprement ; on la renferme dans des petits pots alongés, que l’on bouche exactement. — On n’attend pas toujours que les fromages coulent pour empoter la pâte. Quelquefois, au sortir du tonneau, on met à part ceux qui, trop avancés, ont une disposition à couler, et ne pourraient pas supporter un transport. On enlève la croûte, et on comprime la pâte qui se trouve au milieu dans des pots qui sont bouchés avec du parchemin. On les vend sous le nom de fromages de Meaux.

Le prix des fromages de Brie varie suivant la qualité. On les vend 1 et jusqu’à 2 francs le fromage pesant de 1 à 1 ½ kilog. (2 à 3 liv.). Ces fromages sont fabriqués aussi dans plusieurs villages des environs de Paris, surtout auprès de Montlhéry, et, quand ils sont bien choisis, ils sont d’une pâte fine et assez douce. On en a fait aussi avec succès à Belle-Isle-en-Mer, et cet exemple pourrait être suivi dans beaucoup d’autres localités.

4e. Fromage de Langres (Haute-Marne).

On prend le lait au sortir du pis de la vache, on le coule, et on met la présure à raison d’une cuillerée de celle-ci pour 6 litres de lait. On laisse en repos, en conservant au mélange sa chaleur, et lorsque le lait est pris, on dresse le caillé dans les formes, qu’on laisse égoutter dans un endroit chaud. Les fromages restent ainsi pendant 24 heures, au bout desquelles ils sont retirés des formes et posés sur des couronnes de paille ou des ronds en osier pendant 5 ou 6 jours, pour les laisser