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liv. iv.
ARTS AGRICOLES : LAITERIE.


par la rente du capital employé à l’acquisition des caves. On fabrique annuellement à Roquefort 900,000 kilog. de fromage, qui forment un commerce de 6 à 700,000 fr. Quoiqu’il soit difficile de trouver une localité aussi propice que celle de Roquefort pour la construction des caves à fromages, on parvient cependant à l’imiter parfaitement, en plaçant des fromages dans des caves très-froides, dont on entretient la fraîcheur par des moyens artificiels. Nous avons mangé du fromage de Roquefort fabriqué aux environs de Paris, dont les qualités approchaient beaucoup de celles du véritable fromage de ce nom. On prétend même qu’il s’en fabrique aux environs de Roquefort qui sont très-bons, et passent dans le commerce sous le même nom.

Art. v. — Préparations avec le caillé et des substances végétales.
1er  Serai vert du canton de Glaris (Schabsieger).

Le serai vert ou fromage de Glaris mérite de fixer l’attention des cultivateurs français. Ce produit, à bon marché dans le pays, est cependant vendu assez chèrement au loin, où il est recherché ; sa fabrication est facile, et elle se distingue en ce qu’il entre dans ce fromage de la poudre de mélilot bleu (Trifolium melilotus cœruleus). Lorsque le lait est trait, on le descend dans des caves, où il reste 4 jours ; ces caves sont rafraîchies par des sources ou des fontaines, et les terrines qui le contiennent sont plongées de quelques pouces dans cette eau fraîche. Lorsqu’on veut faire le fromage, on monte le lait, on l’écrême, puis on le verse dans un chaudron, en y mêlant du petit-lait aigri ou un acide faible, tel que le jus de citron, pour le coaguler. On met alors le chaudron sur le feu, et on chauffe fortement, en agitant le caillé avec force. Lorsque le petit-lait est tout-à-fait séparé, on retire le fromage du feu, puis on le place dans des formes d’écorce de sapin percées de trous, afin de le laisser égoutter pendant 24 heures. Après ce temps, on sort ces fromages, pour les placer près du feu, dans de plus grandes formes, où ils éprouvent, par l’influence d’une douce chaleur, un mouvement de fermentation. Au bout de quelques jours, on les retire, puis on les place dans des tonneaux perforés, sur le couvercle desquels on charge des pierres qui doivent comprimer fortement le serai. Il reste quelquefois dans cet état jusqu’à l’automne, moment où on le porte au moulin à broyer. Alors, sur 50 kil. (100 liv.) de serai, on prend 2 kil, 1/2 (5 liv.) de mélilot pulvérisé et 4 à 6 kil. de sel fin bien sec et décrépité. Lorsque le mélange de ces 3 substances est bien fait, on en remplit des formes enduites de beurre ou d’huile, qui ressemblent à un cône tronqué, de la contenance de 2 à 5 kil., et on le comprime fortement à l’aide d’un tampon de bois ; 8 ou 10 jours après, on sort le serai des formes ; on le fait sécher avec précaution, afin qu’il ne se gerce pas.

La fabrication du serai vert pourrait se taire avec avantage dans les pays dont le beurre est le commerce principal. Le mélilot bleu est une plante annuelle, indigène, qu’on peut cultiver dans toute la France ; elle croit sur les montagnes jusqu’à 1400 mètres au-dessus du niveau de la mer. Pour préparer cette poudre, on fait dessécher la plante, et on la réduit en poussière aussi fine que du tabac à priser. Les fromages de Glaris pèsent 4 à 5 kilog. (8 à 10 liv.) ; ils se vendent dans le pays 20 à 30 cent. la livre. La 1re  qualité s’exporte au prix de 50 à 75 cent. la livre.

2e  Fromage de pommes-de-terre.

On en fabrique de 2 espèces en Allemagne ; la plus estimée se fait comme il suit. On choisit une bonne qualité de pommes-de-terre ; on les fait cuire, à moitié seulement, à la vapeur ; on les pèle, on les râpe, ou on les réduit en pulpe. Trois parties de cette pulpe sont ajoutées à 2 de caillé frais, et pétries ensemble. On laisse reposer pendant 3 ou 4 jours, suivant la température, et on en forme ensuite des petits pains, qu’on sale et qu’on fait sécher.

On fait un très-bon fromage avec une partie de pulpe de pommes-de-terre et 3 de caillé de lait de brebis. Ce fromage est d’une grande ressource dans quelques vallées de la Savoie, où on en fabrique d’après les procédés que nous avons décrits. Il a le précieux avantage de s’améliorer en vieillissant, et de ne pas être sujet aux vers.

3e  Fromage de Westphalie.

Il est fabriqué avec du lait écrêmé ; mais, avant d’enlever la crême, on la laisse sur le lait jusqu’à ce que celui-ci ait acquis une saveur aigrelette. La crême, étant enlevée le lait dépouillé est placé près du feu, où il ne tarde pas à se coaguler spontanément. Le caillé, mis dans un sac de grosse toile, est chargé de poids pour en exprimer le petit-lait, et quand il est aussi sec que possible, on le brise et on le broie entre les mains. Ainsi broyé, l’ouvrier le jette dans un baquet propre, où il le laisse 8 ou 10 jours, plus ou moins, suivant que l’on désire des fromages forts ou doux. Pendant cette opération, qu’on appelle maturation, le fromage éprouve un commencement de fermentation active, et se recouvrirait d’une croûte épaisse si l’on n’avait pas le soin de l’enlever du baquet avant la formation de celle-ci. Le fromage est alors moulé en pains ou cylindres, avec une forte addition de sel et beurre, et un tiers de caillé frais, pour arrêter la fermentation. On y mêle aussi quelquefois du poivre, du girofle et autres épices en poudre. Comme les pains sont petits, ils sèchent promptement en plein air, et sont bientôt mûrs pour la consommation.

Pour satisfaire au goût des amateurs, on les suspend, lorsqu’ils sont presque secs, dans une cheminée dans laquelle on brûle du bois. Là on les laisse se mayencer pendant plusieurs semaines, et par cette opération leur saveur et leur odeur sont singulièrement améliorées. Ces fromages s’exportent rarement au dehors.

Art. vi. — Brocotte, recuite, serai, ricotte, etc.

Il reste encore dans le petit-lait qui a fourni