Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/259

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moyens d’obtenir l’eau au plus bas prix possible en mettant à profit les heureux accidens des diverses localités. Heureuses les contrées où des sources suffisantes d’eau douce, coulant sur des terrains unis, ne laissent au laboureur d’autre soin que de les fixer dans de simples rigoles pour porter dans ses prairies, au moyen d’une distribution bien entendue, le tribut journalier de leur fraîcheur et de leur fécondité ! — Hors ce cas bien rare, des travaux d’art quelconques sont nécessaires pour parvenir aux arrosemens. Le sage cultivateur ne doit cependant jamais oublier de balancer les dépenses et les produits, les moyens d’amélioration avec les résultats. Si j’appelle la plus grande circonspection de la part des agriculteurs, avant l’entreprise des travaux d’art quelquefois très-dispendieux, mais toujours lucratifs quand ils s’appliquent à des irrigations bien entendues, je suis loin de vouloir les effrayer ; il ne faut pas croire que dans toutes les circonstances ces travaux soient difficiles à concevoir et d’une exécution très-coûteuse. Il ne s’agit point ici de ces entreprises colossales exécutées en Italie, qui ne peuvent être dirigées que par les hommes de l’art les plus expérimentés, et entreprises par les gouvernemens ou de riches associations ; mais des travaux isolés d’irrigation dont l’étendue, beaucoup plus circonscrite, peut être aisément saisie par l’homme simplement intelligent, que souvent le bon sens indique, et dont la dépense de construction est quelquefois à la portée même des plus petits propriétaires. L’ensemble des travaux destinés à procurer l’irrigation s’appelle système complet d’irrigation. Ce système peut être ou très-simple, ou très-compliqué, suivant la proximité ou l’éloignement de l’eau, la facilité ou la difficulté des circonstances locales. Les plus difficiles exigent un système complet d’irrigation qui se compose : 1o des travaux relatifs à la prise d’eau ; 2o d’un canal de dérivation ou canal principal d’irrigation ; 3o d’un certain nombre de barrages ou vannes, ou écluses avec empellemens ; 4o de maîtresses rigoles ou principales rigoles d’irrigation ; 5o de rigoles secondaires, garnies de leurs saignées ; 6o de rigoles de dessèchement ; 7o de vannes de décharge ; 8o de digues latérales.

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§ i. — Des travaux relatifs à la prise d’eau.

Ces travaux doivent varier dans la forme et dans les dimensions relativement à la situation et au volume des eaux, et relativement encore au terrain que l’on a l’intention d’irriguer.

Ainsi, si le cours d’eau n’est qu’un faible ruisseau favorablement placé relativement au terrain, sa prise d’eau pourra être effectuée par un simple barrage en fascines, un batardeau temporaire, que l’on détruit et que l’on rétablit selon le besoin. On ne devrait nulle part, mais surtout dans les montagnes, laisser un ruisseau inutile ; au lieu de le laisser se précipiter suivant sa pente naturelle, pourquoi ne pas le modérer par des digues et des dérivations, et d’un ruisseau en faire cent pour servir à des irrigations étendues et multipliées ? pour y parvenir, les moyens sont ordinairement fort simples et presque toujours la dépense très-faible.

S’il s’agit de dériver les eaux d’une petite rivière et qu’elle présente aussi une position et une pente favorables relativement au terrain, un simple barrage ne serait plus suffisant pour remplir le but ; il faut alors employer des barrages ou réservoirs en maçonnerie. Enfin, si c’est un fleuve, les travaux de dérivation deviennent plus compliqués, plus dispendieux, et exigent plus de connaissances théoriques et pratiques.

Quelquefois, dans les prises d’eau sur les rivières, on profite de quelques cataractes naturelles ; ordinairement c’est au moyen de retenues artificielles qui élèvent les eaux. Dans certaines circonstances on peut traiter avec les propriétaires de partie des eaux retenues pour les besoins d’usines et de moulins ; dans d’autres on opère ces retenues au moyen de digues, barrages ou écluses auxquelles on donne diverses formes et pour lesquelles on emploie divers matériaux, selon les localités, la largeur, la profondeur et la force du courant de la rivière. La fig. 354 donnera une idée de l’un de ces barrages.

Fig. 354.

On peut encore établir un barrage simple et économique, de la manière suivante : On place sur une rive de la rivière une ou plusieurs pierres appuyées sur le tuf, et aussi élevées que le bord ; cela forme un petit pilastre qu’on glaise suffisamment pour empêcher le fuiement de l’eau ; même chose se fait sur l’autre rive ; on unit les deux pilastres par une ou plusieurs pierres placées en forme de seuil rez-terre ; au fond, dans la largeur de la rivière, une feuillure de deux pouces règne uniformément sur les deux pilastres, et, sur le devant du seuil, elle sert d’appui à des planches épaisses de 2 à 3 pou., larges de 9 à 12 pou., qu’on place sur champ l’une sur l’autre, et en quantité nécessaire pour élever l’eau à la hauteur qu’on désire ; si la rivière est large, on enfonce une ou plusieurs fiches dans le milieu, à l’alignement des pilastres, pour soutenir les planches ; de l’autre côté elles sont suffisamment appuyées par l’eau ; c’est un vannage commode, économique et peu dispendieux.

Lorsqu’on projette un établissement de ce genre, il faut s’assurer avant tout de la possession illimitée de l’eau et du sol qu’elle occupe ; car il faut être assuré que les voisins au-dessus et au-dessous de vous n’apporteront aucun empêchement à vos travaux projetés. Ces empêchemens sont souvent suscités par les meuniers, parce que ceux qui sont au-dessus de votre prise d’eau craignent qu’elle ne reflue vers leurs rouages ; ceux au-dessous, qu’on ne leur ôte l’eau, et d’être forcés de chômer. Ces plaintes ne sont pas toujours justes, mais elles donnent sou-