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DU PAPE

Quel observateur n’a pas été frappé de l’extrême faveur dont le protestantisme jouit parmi le clergé russe, quoique, si l’on s’en tenait aux dogmes écrits, il dût être haï sur la Neva comme sur le Tibre ? C’est que toutes les sociétés séparées se réunissent dans la haine de l’unité qui les écrase. Chacune d’elles a donc écrit sur ses drapeaux :

Tout ennemi de Rome est mon ami.

Pierre Ier ayant fait imprimer pour ses sujets, au commencement du siècle dernier, un catéchisme contenant tous les dogmes qu’il approuvait, cette pièce fut traduite en anglais[1] en l’année 1725, avec une préface qui mérite d’être citée.

« Ce catéchisme, dit le traducteur, respire le génie du grand homme par les ordres duquel il fut composé[2]. Ce prince a vaincu deux ennemis plus terribles que les Suédois et les Tartares ; je veux dire la superstition et l’ignorance favorisées encore par l’habitude la plus obstinée et la plus insatiable… Je me flatte que cette traduction rendra plus facile le rapprochement des évêques anglais et russes ; afin que par leur réunion ils deviennent plus capables de renverser les desseins atroces et sanguinaires du clergé romain[3]… Les Russes et les réformés s’accordent sur plusieurs articles de foi, autant qu’ils diffèrent de l’Église romaine[4]… Les pre-

  1. The russiam catechism compos’d and publisch’d by the order of the czar ; to which is annexed a short account of the church-governement and ceremonies of the Moscovites. London. Meadows, 1725, in-8o by Jenkin. Thom. Philipps, pages 4 et 66.
  2. Le traducteur parle ici d’un catéchisme comme il parlerait d’un ukase que l’empereur aurait publié sur le droit ou la police. Cette opinion, qui est juste, doit être remarquée.
  3. On pourrait s’étonner qu’en 1725 on pût encore imprimer en Angleterre une extravagance de cette force. Je prendrais néanmoins l’engagement de montrer des passages encore plus merveilleux dans les ouvrages des premiers docteurs anglais de nos jours.
  4. Sur ce point le traducteur a tort et il a raison. Il a tort, si l’on s’en tient aux professions de foi écrites, qui sont les mêmes à peu de chose près pour les Églises latine et russe, et diffèrent également des confessions protestantes ; mais si l’on en vient à la pratique et à la croyance intérieure, le traducteur a raison. Chaque jour la foi dite grecque s’éloigne de Rome et s’approche de Wittemberg.