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LIVRE I.

Encouragés par la faiblesse d’une souveraineté agonisante, les magistrats ne gardèrent plus de mesure. Ils régentèrent les évêques ; ils saisirent leur temporel ; ils appelèrent, comme d’abus, d’un institut religieux devenu français depuis deux siècles, et le déclarèrent, de leur chef, anti-français, anti-social, et même impie, sans s’arrêter un instant devant un concile œcuménique qui l’avait déclaré pieux, devant le Souverain Pontife qui répétait la même décision, devant l’Église gallicane enfin debout devant eux, et conjurant l’autorité royale d’empêcher cette funeste violation de tous les principes.

Pour détruire un ordre célèbre, ils s’appuyèrent d’un livre accusateur qu’ils avaient fait fabriquer eux-mêmes, et dont les auteurs eussent été condamnés aux galères sans difficulté dans tout pays où les juges n’auraient pas été complices[1]. Ils firent brûler des mandements d’évêques, et même, si l’on ne m’a pas trompé, des bulles du Pape, par la main du bourreau. Changeant une Lettre provinciale en dogme de l’Église et en loi de l’État, on les vit décider qu’il n’y avait point d’hérésie dans l’Église, qui anathématisait cette hérésie ; ils finirent par violer les tabernacles et en arracher l’eucharistie, pour l’envoyer, au milieu de quatre baïonnettes, chez le malade obstiné, qui, ne pouvant la recevoir, avait la coupable audace de se la faire adjuger.

Si l’on se représente le nombre des magistrats répandus sur le sol de la France, celui des tribunaux inférieurs qui se faisaient un devoir et une gloire de marcher dans leur sens ; la nombreuse clientèle des parlements, et tout ce que le sang, l’amitié ou le simple ascendant emportaient dans le même tourbillon, on concevra aisément qu’il y en avait assez pour former dans le sein de l’Église gallicane le parti le plus redoutable contre le Saint-Siège.

  1. Ne voulant point envelopper une question dans une autre, je déclare n’avoir en vue que les formes violées et les abus d’autorité.