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Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/100

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DE L’ÉGLISE GALLICANE.

« Quel magistrat aujourd’hui veut interrompre ses divertissements, quand il s’agirait, je ne dis pas du repos, mais de l’honneur, et peut-être même de la vie d’un misérable ? La magistrature n’est que trop souvent un titre d’oisiveté qu’on n’achète que par honneur, et qu’on n’exerce que par bienséance. C’est ne savoir pas vivre et faire injure aux magistrats que de leur demander justice, lorsqu’ils ont résolu de se divertir. Leurs amusements sont comme la partie sacrée de leur vie, à laquelle on n’ose toucher ; et ils aiment mieux lasser la patience d’un malheureux et mettre au hasard une bonne cause, que de retrancher quelques moments de leur sommeil, de rompre une partie de jeu, ou une conversation inutile, pour ne rien dire de plus[1]. »

Comment le même corps a-t-il pu déplaire à des hommes si différents ? Je n’y vois rien d’inexplicable. Si le parlement n’avait pas renfermé de grandes vertus et une grande action légitime, il n’aurait pas mérité la haine de Voltaire et de tant d’autres. Mais s’il n’avait pas renfermé de grands vices, il n’aurait choqué ni Fléchier, ni Leibnitz, ni tant d’autres. Le germe calviniste, nourri dans ce grand corps, devint bien plus dangereux lorsque son essence changea de nom et s’appela jansénisme. Alors les consciences étaient mises à l’aise par une hérésie qui disait : Je n’existe pas. Le venin atteignit même ces grands noms de la magistrature que les nations étrangères pouvaient envier à la France. Alors toutes les erreurs, même les erreurs ennemies entre elles, étant toujours d’accord contre la vérité, la nouvelle philosophie dans les parlements s’allia au jansénisme contre Rome. Alors le parlement devint en totalité un corps véritablement anti-catholique, et tel que, sans l’instinct royal de la maison de Bourbon et sans l’influence aristocratique du clergé (il n’en avait plus d’autre), la France eût été conduite infailliblement à un schisme absolu.

  1. Fléchier, Panégyrique de S. Louis, 1re partie.