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LIVRE I.

Je n’ai rien à vous répondre sur ce que dit S. Augustin, sinon que je l’écoute et je l’entends quand il me dit et me répète cinq cents fois dans le même livre, que tout dépend donc, comme dit l’apôtre, non de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde à qui il lui plaît ; que ce n’est pas en considération d’aucun mérite que Dieu donne la grâce aux hommes, mais selon son bon plaisir, afin que l’homme ne se glorifie point, puisqu’il n’a rien qu’il n’ait reçu. Quand je lis tout ce livre (de S. Augustin), et que je trouve tout d’un coup : Comment Dieu jugerait-il les hommes, si les hommes n’avaient point de libre arbitre ? en vérité, je n’entends point cet endroit[1] et je suis toute disposée à croire que c’est un mystère (Ibid. lettre DXXIX.)

Nous croyons toujours qu’il dépend de nous de faire ceci ou cela ; ne faisant point ce qu’on ne fait pas, on croit cependant qu’on l’aurait pu faire[2] Les gens qui font de si belles restrictions et contradictions dans leurs livres, parlent bien mieux et plus dignement de la Providence quand ils ne sont pas contraints ni étranglés par la politique. Ils sont bien aimables dans la conversation[3]. Je vous prie de lire… les Essais de morale sur la soumission à la volonté de Dieu. Vous voyez comme l’auteur nous la représente souveraine, faisant tout, disposant de tout, réglant tout. Je m’y tiens ; voilà ce que

  1. Je le crois. Observez cependant que la question pour les amis de Mme de Sévigné n’était pas de savoir s’il y a ou s’il n’y a pas un libre arbitre ? car sur ce point ils avaient pris leur parti ; mais seulement de savoir comment les hommes n’ayant point de libre arbitre, Dieu néanmoins les condamnerait justement ? C’est sur cela que l’aimable appelante nous dit : En vérité, je n’entends point cet endroit. Ni moi non plus en vérité.
  2. Voyez sa lettre CDXLVIII. — Ici le mystère se découvre en plein. Tout se réduit à la sottise de l’homme qui se croit libre. Voilà tout. Il croit qu’il aurait pu faire ce qu’il n’a pas fait. C’est un enfantillage, et même c’est une erreur qui insulte la Providence en bornant son pouvoir.
  3. Ils sont bien aimables, en effet, en soutenant le dogme de la prédestination absolue et en nous menant droit au désespoir.