Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/140

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Je n’entends donc point nier le mérite distingué de Pascal dans l’ordre des sciences ; je ne dispute à aucun homme ce qui lui appartient ; je dis seulement que ce mérite a été fort exagéré, et que la conduite de Pascal, dans l’affaire de la cycloïde et dans celle de l’expérience du Puy-de-Dôme, ne fut nullement droite et ne saurait être excusée.

Je dis de plus que le mérite littéraire de Pascal n’a pas été moins exagéré. Aucun homme de goût ne saurait nier que les Lettres provinciales ne soient un joli libelle, et qui fait époque même dans notre langue, puisque c’est le premier ouvrage véritablement français qui ait été écrit en prose. Je n’en crois pas moins qu’une grande partie de la réputation dont il jouit est due de même à l’esprit de faction intéressé à faire valoir l’ouvrage, et encore plus peut-être à la qualité des hommes qu’il attaquait. C’est une observation incontestable et qui fait beaucoup d’honneur aux jésuites, qu’en leur qualité de janissaires de l’Église catholique, ils ont toujours été l’objet de la haine de tous les ennemis de cette Église. Mécréants de toutes couleurs, protestants de toutes les classes, jansénistes surtout n’ont jamais demandé mieux que d’humilier cette fameuse société ; ils devaient donc porter aux nues un livre destiné à lui faire tant de mal. Si les Lettres provinciales, avec le même mérite littéraire, avaient été écrites contre les capucins, il y a longtemps qu’on n’en parlerait plus. Un homme de lettre français, du premier ordre, mais que je n’ai pas le droit de nommer, me confessait un jour, tête-à-tête, qu’il n’avait pu supporter la lecture des Petites-Lettres[1]. La monotonie du plan

  1. Je ne mérite pas le titre d’homme de lettres, il s’en faut ; mais du reste, je trouve dans ces lignes ma propre histoire. J’ai essayé, j’ai fait effort pour lire un volume des Provinciales, et, je l’avoue à ma honte, le livre m’est tombé des mains. (Note de l’Editeur.)