Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/149

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Jansénius, et qui là-dessus s’écrient gravement qu’il suffit des yeux pour décider une pareille question[1].

Mais cette erreur grossière, mise sur le compte d’une foule d’hommes ignorants et inappliqués (et en effet très-digne d’eux), est précisément l’erreur de Pascal, qui s’écrie gravement dans ses Provinciales : Il suffit des yeux pour décider une pareille question, et qui fonde sur cet argument sa fameuse plaisanterie sur le pape Zacharie[2].

En général, un trop grand nombre d’hommes, en France, ont l’habitude de faire, de certains personnages célèbres, une sorte d’apothéose après laquelle ils ne savent plus entendre raison sur ces divinités de leur façon. Pascal en est un bel exemple. Quel honnête homme, sensé et étranger à la France, peut le supporter, lorsqu’il ose dire aux jésuites, dans sa XVIIIe Lettre provinciale : C’est par là qu’est détruite l’impiété de Luther, et c’est par là qu’est encore détruite l’impiété de l’école de Molina ?

La conscience d’un musulman, pour peu qu’il connût notre Religion et nos maximes, serait révoltée de ce rapprochement. Comment donc ? un religieux mort dans le sein de l’Église, qui se serait prosterné pour se condamner lui-même au premier signe de l’autorité ; un homme de génie, auteur d’un système, à la fois philosophique et consolant, sur le dogme redoutable qui a tant fatigué l’esprit humain, système qui n’a jamais été condamné et qui ne le sera jamais ; car tout système publiquement enseigné dans l’Église catholique pendant trois siècles, sans avoir été condamné, ne peut être supposé condamnable[3] ; système qui présente après tout le plus heureux

  1. Histoire de Fénélon, tom. II, p. 616.
  2. Plaisanterie doublement fausse, et parce que le pape Zacharie n’a jamais dit ce que Pascal, après tant d’autres, lui fait dire ; et que quand même il l’aurait dit, la question de Jansénius serait toute différente.
  3. On sait que l’esprit de parti, qui ne rougit de rien, est allé jusqu’à fabriquer une bulle qui anathématise ce système. Observons que ces rebelles qui bravent les décrets du Saint-Siège, les croient cependant d’un tel poids dans leurs consciences, qu’on les verra descendre jusqu’au rôle de faussaire pour se procurer cet avantage contre leurs adversaires. Ainsi, en bravant l’autorité, ils la confessent. On croit voir Photius demandant au Pape le titre de patriarche œcuménique, puis se révolter contre lui, parce que le Pape l’avait refusé. Ainsi, la conscience demandait la grâce, et l’orgueil se vengeait du refus.