Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/169

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sée, de toutes les lois, de tous les usages, de toutes les autorités, il disait : « Je ne me suis jamais réglé sur l’exemple de personne. C’est à moi à servir d’exemple[1]. » Et son ministre disait au représentant d’une puissance étrangère : « Je vous ferai mettre à la Bastille[2]. »

Devant ce délire de l’orgueil tout-puissant, qui disait sans détour : Jura nego mihi nata, les évêques français ne firent plus résistance ; deux seulement, Pavillon d’Alet et Caulet de Pamiers, ce qui étaient malheureusement les deux plus vertueux hommes du royaume, refusèrent opiniâtrement de se soumettre[3]. »

Le fameux Arnaud ne se trompait point en représentant l’affaire de la régale « comme une affaire capitale pour la Religion, où il fallait tout refuser sans distinction[4]. »

Pour cette fois, le janséniste y voyait très-clair. La régale tendait directement à ramener l’investiture par la crosse et l’anneau, dont j’ai tant parlé ailleurs[5] ; à changer le bénéfice en fief on en emploi ; à faire évaporer l’esprit de l’institution bénéficiaire, pour ne laisser subsister que le caput mortuum, je veux dire la puissance civile et l’argent. C’était une idée tout à fait protestante, et par conséquent très-analogue à l’esprit d’opposition religieuse qui n’a cessé de se manifester chez les Français en plus ou en moins, surtout dans le sein de la magistrature.

On ne peut donc se dispenser d’accorder les plus grands éloges aux deux hommes les plus vertueux du royaume, qui s’élevèrent de toutes leurs forces contre une nouveauté si mauvaise en elle-même et d’un si mauvais exemple.

Le Pape, de son côté (c’était Innocent XI), opposa la plus

  1. Siècle de Louis XIV, par Voltaire, tom. II, chap. XIV.
  2. Ibid., chap. XXI.
  3. Ibid. Si Voltaire a voulu dire : Malheureusement pour Louis XIV, il a grandement raison.
  4. Hist. de Bossuet, tom. II, chap. VI, n° IX, p. 145.
  5. Du Pape, liv. II, chap. VII, art. II.