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DE L’ÉGLISE GALLICANE

vigoureuse résistance à l’inexcusable entreprise d’un prince égaré ; il ne cessa d’animer les évêques français et de leur reprocher leur faiblesse. C’était un Pontife vertueux, le seul Pape de ce siècle qui ne savait pas s’accommoder au temps[1].

Alors il arriva ce qui arrivera toujours en semblable occasion. Toutes les fois qu’un certain nombre d’hommes, et surtout d’hommes distingués formant classe ou corporation dans l’État, ont souscrit par faiblesse à l’injustice ou à l’erreur de l’autorité, pour échapper au sentiment pénible qui les presse, ils se tournent subitement du côté de cette même autorité qui vient de les rabaisser ; ils prouvent qu’elle a raison, et défendent ses actes au lieu de s’absoudre de l’adhésion qu’ils y ont donnée.

C’est ce que firent les évêques français : ils écrivirent au Pape pour l’engager à céder aux volontés du plus catholique des rois ; ils le prièrent de n’employer que la bonté dans une occasion où il n’était pas permis d’employer le courage[2].

Arnaud déclara cette lettre pitoyable, et certes il eut encore grandement raison. Si M. de Bausset s’étonne qu’on ait pu se servir d’une telle qualification pour un ouvrage de Bossuet[3], c’est qu’il arrive souvent aux meilleurs esprits de ne pas s’apercevoir que la solidité ou le mérite intrinsèque de tout ouvrage de raisonnement dépend de la nature des propositions qu’on y soutient, et non du talent de celui qui raisonne. La lettre des évêques étant pitoyable par essence, Bossuet n’y pouvait plus apporter que son style et sa manière, et c’était un grand mal de plus.

On voit dans cette lettre, comme je l’observais tout à l’heure, l’honneur qui tâche de se mettre à l’aise par des précautions plus oratoires que logiques et chrétiennes. On pourrait de

  1. Volt. Siècle de Louis XIV, tom. II, ch. XXXIII. — C’est ce Pape qui appelait les pauvres ses neveux.
  2. Hist. de Bossuet, liv. VI, no IX, p. 145
  3. C’est à lui que l’assemblée avait remis la plume dans cette occasion. (Hist. de Bossuet, ibid.)