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Page:Maistre - Du pape suivi de l'Église gallicane, Goemaere, 1852.djvu/171

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LIVRE II

mander pourquoi donc il n’était pas permis d’employer le courage dans cette occasion ? On serait même tenté d’ajouter que lorsqu’il s’agit des devoirs de l’État, il n’y a pas d’occasion où il ne soit permis et même ordonné d’employer le courage, ou, si l’on veut, un certain courage.

Innocent XI, dans sa réponse aux évêques, dont on a parlé assez légèrement en France, leur fait surtout un reproche auquel je ne sais pas trouver une réplique solide :

« Qui d’entre vous, leur dit-il, a parlé devant le roi pour une cause si intéressante, si juste et si sainte ?[1] » (Voyez la suite dans l’ouvrage cité.)

Je ne vois pas, en vérité, ce que les prélats pouvaient répondre à l’interpellation péremptoire du Souverain Pontife. Je suis dispensé d’examiner s’il fallait faire des martyrs pour la régale ; on n’en était pas là heureusement ; mais que le corps épiscopal crût devoir s’interdire jusqu’à la plus humble représentation, c’est ce qui embarrasserait même la plus ardente envie d’excuser.

L’arrangement final fut que le roi ne conférerait plus les bénéfices en régale, mais qu’il présenterait seulement des sujets qui ne pourraient être refusés[2].

C’est la suprématie anglaise dans toute sa perfection. Au moyen de la régale ainsi entendue et exercée, le roi, comme l’a très-bien observé Fleury, avait plus de droit que l'évêque, et autant que le Pape[3].

  1. Hist. de Bossuet, liv. cit. n° XII, p. 161.
  2. Ce jeu de mots ( car c’en était un, à ne considérer que les résultats ) fait sentir ce que c’était que cette régale qui donnait au roi le droit de conférer les bénéfices, c’est-à-dire un droit purement spirituel. Cependant les évêques gardèrent le silence et prirent parti même contre le Pape. On voit ici ce qui est prouvé par toutes les pages de l’Histoire ecclésiastique, que les Églises particulières manqueront toujours de force devant l’autorité temporelle. Elles doivent même en manquer, si je ne me trompe, le cas du martyre excepté. Il est donc d’une nécessité absolue que les intérêts de la religion soient confiés aux mains d’une puissance étrangère à toutes les autres, et dont l’autorité, toute sainte et indépendante, puisse toujours, au moins en théorie, dire la vérité, et la soutenir en toute occasion.
  3. Opusc. , p. 84.