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DE L’ÉGLISE GALLICANE.

On dirait, en lisant ce morceau, que le concile de Trente n’a point opéré de réforme dans l’Église. Cependant le chapitre de la Réformation n’est pas mince, et le concile entier fit sans contredit le plus grand et le plus heureux effort qui ait jamais été fait dans le monde pour la réformation d’une grande société. Les faits parlent, il n’y a pas moyen de disputer. Depuis le concile, l’Église a totalement changé de face. Que si les Pères n’entreprirent rien de plus, on doit les louer pour ce qu’ils ne firent pas, autant que pour ce qu’ils firent ; « car il faut quelquefois savoir gré aux hommes d’État de n’avoir pas tenté tout le bien qu’ils auraient pu exécuter ; d’avoir été assez grands pour faire à la difficulté du temps et à la ténacité des habitudes le sacrifice qui devait le plus leur coûter, celui de leurs vastes et bienfaisantes conceptions[1]. »

Enfin, la langue même, sous la plume d’un écrivain d’ailleurs si respectable, est violée par le préjugé, au point que les premiers protestants sont nommés par lui, au grand étonnement de l’oreille française, un peuple néophyte[2]. Il faut bien observer que ces traits et cent autres partent d’un homme distingué sous tous les rapports, plein de bonnes intentions, et parlant comme la raison même, toutes les fois que les préjugés de corps lui permettent de se servir de la sienne. Que devait être la masse de ses collègues dont il parle lui-même comme de gens exagérés ? On serait tenté, en vertu d’une simple règle de proportion, de les prendre pour des frénétiques.

On ferait une collection assez piquante des arrêts rendus par l’opinion de toutes les classes contre les parlements de France.

Ici, c’est Voltaire qui appelle élégamment les magistrats,

  1. Esprit de l’histoire, tom. II, lettre XXXIV.
  2. Cette religion nouvelle et persécutée (pauvres agneaux !) trouva dans ces deux titres même de grandes ressources, La persécution agit fortement sur l’imagination d’un peuple néophyte. Ibid., tom. III, lett. LXX.