chez un paysan de sa connaissance, qui la traita fort bien.
Le lendemain, à son réveil, la fatigue de la première marche qu’elle eût jamais faite se faisait vivement sentir. En sortant de l’isba [1] où elle avait passé la nuit, elle eut un moment d’effroi lorsqu’elle se vit toute seule. L’histoire d’Agar dans le désert lui revint à la mémoire et lui rendit son courage. Elle fit le signe de la croix, et s’achemina en se recommandant à son ange gardien. Après avoir dépassé quelques maisons, elle aperçut l’enseigne de l’aigle sur le cabaret du village devant lequel elle avait passé la veille ; ce qui lui fit juger qu’au lieu d’avoir pris le chemin de Pétersbourg, elle revenait sur ses pas. Elle s’arrêta pour s’orienter, et vit son hôte qui souriait sur le pas de sa porte. « Si vous voyagez de cette manière, s’écria-t-il, vous n’irez pas loin, et vous feriez peut-être mieux de retourner chez vous. »
Cet accident lui arriva quelquefois dans la suite ; et lorsque, dans son indécision, elle demandait le chemin de Pétersbourg, à l’extrême distance où elle se trouvait de cette ville, on se moquait d’elle,
- ↑ Maison de paysan, ordinairement composée d’une seule chambre dont en énorme poêle occupe une bonne partie. Quoique l’isba réponde à peu près au mot de chaumière, il n’entraîne point cependant l’idée de misère.