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Page:Maizeroy - Deux amies, 1885.djvu/175

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DEUX AMIES

Elle écrivait plus rarement à son mari et des lettres écourtées où deux mots remplissaient une ligne, où elle ne se livrait pas, où il n’y avait que des formules banales de tendresse, de celles qu’on exprime à tout le monde. Elle ne lui demandait pas de hâter son arrivée et ne marquait aucun chagrin de le sentir loin d’elle. Puis elle négligea aussi son enfant, qui la gênait et l’ennuyait, comme un joujou dont on finit par se lasser.

Eva s’en réjouissait. Elle se démasquait insensiblement et profitait de toutes les occasions de solitude, des instants les plus courts pour revenir à la charge, pour miner la vertu chancelante de son amie et lui ouvrir l’imagination par ses désirs inexprimés et ses rêveries de bonheur sensuel.

L’éducation de Luce progressait journellement.

Elles avaient pris l’habitude de s’enfermer ensemble avant le dîner dans la bibliothèque, — une grande pièce pleine d’ombre dont les fenêtres s’ouvraient sur des massifs d’héliotropes. Les livres montaient jusqu’au plafond,