Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/119

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l’avaient surnommé le capitaine Faraoua[1], car, pour ces naïfs, témoins de notre amour du galon, tout était capitaine : un géomètre, qui arriva plus tard, fut incontinent baptisé, capitaine Lunette, et moi, j’avais acquis le titre flatteur de capitaine Théô (tonnerre), en langue canaque, ou de capitaine Télégraphe, en langue… française.

Ils n’étaient pas rares les forçats envoyés à la Nouvelle, comme Bonsens, par la rancune d’une péronnelle, souvent dédaignée. En général, leur innocence est connue, car ils n’ont pas le cynisme orgueilleux du commun des criminels : ils n’en restent pas moins là ! La sacro-sainte justice peut-elle se déjuger !

Moins sympathique que Bonsens, mais bien curieux à étudier était le condamné Sanié qui, à la fois humble et souriant, vint, un jour, m’offrir ses services. « Merci, lui dis-je, je n’ai besoin de personne. » J’ai toujours détesté me faire servir et, en tous cas, les deux Canaques, cumulant les travaux domestiques avec leurs fonctions administratives, me suffisaient amplement.

Cependant, apprenant que Sanié avait été demandé comme garçon de famille par mon collègue Fournier, qui pouvait venir me relever d’un moment à l’autre et pensant que ce pauvre diable serait moins malheureux près de moi, qu’au campement, je finis par le prendre. Sanié avait été un peu de tout, au cours d’une vie non immaculée : enfant de chœur, instituteur, employé, cuisinier surtout. Avec un peu d’amour-propre, il eût pu finir comme Vatel, ce qui est beaucoup mieux porté

  1. Faraoua, corruption en bichelamare du mot anglais flour, farine.