Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/120

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que d’aller casser des pierres sous le tropique du Capricorne. Il se précipita, dès son entrée en fonctions, vers le gourbis servant de cuisine et, devant Péronéva émerveillé, confectionna une série de petits plats que n’eût pas désavoués le baron Brisse. Le second jour, mêmes prodiges, accompagnés de chansons comiques : Sanié cherchait à se rendre agréable. À cette époque, le sentiment l’emportait chez moi sur la réflexion ; je me fusse fait un scrupule de troubler le repos d’un pauvre diable de forçat : aussi Sanié, après s’en être convaincu, commença-t-il à se donner du bon temps. Le troisième jour, il était gris, le surlendemain il était ivre et il récidiva plus d’une fois ; ces ébriétés, explicables chez un homme longtemps privé de boissons fermentées, n’en étaient pas moins onéreuses pour ma bourse. Pendant les quelques semaines qu’il demeura près de moi, le scélérat fit danser à mon panier une sarabande épileptique et je le soupçonne vaguement d’avoir reçu des pots-de-vin du fournisseur. Bah ! sur une scène un peu plus pompeuse, quel est l’homme politique qui n’en fait pas autant !

À cette époque comme aujourd’hui, j’aimais beaucoup la lecture : j’étais resté, un matin, en chemise, dans mon fauteuil bureaucratique, absorbé par une mythologie orientale, lorsque la porte s’entr’ouvrit pour donner passage à mon directeur, le père Lemire ! Il ne parut pas surpris outre mesure de la légèreté de mon costume et, pendant que j’enfilais en hâte un pantalon, il commença l’inspection de mon poste.

L’insurrection de Poindi-Patchili touchait à sa fin : elle avait été une série plutôt de marches fatigantes que de combats. Quelques Canaques avaient mordu la poussière, deux ou trois soldats avaient reçu des meurtrissu-