Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/138

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jaune tachetée de blanc comme un serpent ou un tigre, animaux auxquels il ressemblait, du reste par le caractère.

Les médecins indigènes, les tacatas, ne manquaient pas, cependant, mais ils ne semblaient guère plus forts que le docteur Caillot. Le principal d’entre eux, Maréco, qui avait gagné son rang au concours, s’était rendu borgne en voulant se soigner, il n’en imposait pas moins le respect, plus peut-être par sa situation de frère de petit-chef, sa prestance superbe et sa multiple ceinture de poum bouhé[1], ornée de coquillages, que par ses connaissances thérapeutiques. Un autre Djalap, se contentait de prédire, d’après l’inspection des nuages, la pluie ou la sécheresse.

Tels étaient les voisins au milieu desquels j’allais passer deux années, qui sont restées les meilleures de ma vie. Mais, à l’exception d’Oignô, je n’ai encore parlé que du côté masculin : il convient de réparer cette injustice.

Tout d’abord, il y avait au camp, depuis des années, deux popinés cohabitant avec les sous-officiers. Elles faisaient partie du matériel, à titre inamovible, tout comme les paillasses et les moustiquaires. Tous les six mois, leurs maris partants les léguaient aux arrivants ; deux jours avant le départ du détachement, on entendait dans les cases proches de la caserne de grandes lamentations : c’étaient ces dames, qui, nouvelles Calypsos, pleuraient le départ de leurs Ulysses. À peine, la nouvelle troupe apparaissait-elle, clairon en tête, les larmes étaient séchées et, sans même attendre la pré-

  1. Poil de la grande chauve-souris appelée roussette.