Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/163

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d’au delà et s’impatientant des lenteurs de la science exacte ne subit-il pas le besoin de se forger un idéal et d’y croire ? Et les religions de se succéder les unes aux autres, s’élargissant ou se subtilisant jusqu’au jour où, selon la fière parole de Jacoby, le descendant des animaux sera, lui-même, « devenu un dieu ». Notre espèce arrivera-t-elle jusque-là ? Qui sait ! Pourquoi pas ?

Idolâtrie des mot ! De la République, décrite au collège comme une hideur et montrée par mon père comme une terre promise, je ne connaissais que le nom et ce nom, je l’adorais. Le Jéhovah terrible étant relégué par moi à côté de Croquemitaine et des autres épouvantails démodés, le dieu de Victor Hugo me semblant par trop vague, j’édifiai en mon cœur un autel à la radieuse déesse Liberté.

Depuis l’âge de treize ans, échappant, grâce à mon ressort de caractère, au pli faussé de l’éducation classique, je rêvais de saintes insurrections de peuples, d’immenses internationales se donnant la main, de séculaires esclavages brisés, de gigantesques épopées dans lesquelles, naturellement, je ne jouais pas le dernier rôle, la justice et la liberté régnant sur la terre radieuse.

Oui, mais sous quelle forme ? Comment se concrèteraient-elles ? Par quoi s’exprimeraient, matérialisées, ces nobles abstractions ? Je ne savais et je dois dire que les trois quarts des déportés, proscrits pour la grande cause, ne le savaient pas plus que moi. Le socialisme, ils l’ignoraient ; l’anarchisme, ils ne le soupçonnaient pas : un mot avait suffi pour les entraîner, sans qu’ils se demandassent ce qu’il y aurait dessous : la république.

Et, dévoré d’une ardeur de propagande, je m’efforçais avec un incroyable machiavélisme, d’infiltrer aux sol-