Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/165

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ne manquèrent pas une fois de s’arrêter chez nous, apportant avec eux un peu d’esprit parisien, des convictions et des espérances identiques aux nôtres. La chance sembla favoriser leurs efforts : ils trouvèrent, en lavant la terre, de nombreuses pépites, tombèrent sur une trace de filon, rencontrèrent l’appui de quelques amis qui se chargèrent de les ravitailler pendant qu’ils travaillaient. Puis ce fut tout : leur société devenant plus nombreuse, la désunion s’y mit, Barban qui trouvait que l’exploitation avançait peu, devint autoritaire ; les colons admis dans l’affaire essayèrent de duper les déportés et, après beaucoup de peine, tous se trouvèrent aussi pauvres que devant.

Un de leurs compagnons, Bizien, était une des meilleures bêtes qu’il fût possible de rencontrer : un cœur d’or et un cerveau d’oie. Ne dirait-on pas que, souvent l’intelligence se forme aux dépens du sentiment ? Le raisonnement conduit bien des fois à l’indifférence ou à l’égoïsme. Bizien, homme à se jeter dans le feu pour rendre un service, eût été fort empêché de raisonner. Il ne recherchait pas, du reste, les jouissances intellectuelles, se trouvait fort heureux de son genre de vie et se glorifiait sincèrement d’avoir les plus beaux états de service. Le candide ! bien qu’il ne sût guère lire l’imprimé et pas du tout l’écriture, il avait fini, sur les affirmations fallacieuses de Gomer, son ami plus que son patron, par s’imaginer que lui, Bizien, avait accompli son service militaire avec le grade de sergent-major. Après quoi, il était librement venu en Nouvelle-Calédonie, garder les cochons de la Société foncière, situation qui l’avait rendu très fier.

Pauvre Bizien ! sa bêtise lui coûta la vie. Il était devenu possesseur d’une paire de gros souliers neufs, qui