Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/167

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sombrer la Banque de Nouméa et la société Foncière de Gomen. On avait abusé du nickel : la spéculation était devenue effrénée, et les administrateurs de ces deux établissements n’avaient pas hésité à se servir des fonds confiés à leur intègre surveillance. Il fallut, après bien des répugnances, faire la part du feu : deux boucs expiatoires furent choisis qui, naturellement, n’étaient pas les plus coupables, leurs protestations étouffées et les autres gros bonnets purent se tirer d’affaire : n’est-ce pas l’invariable règle ?

Les vraies victimes furent les malheureux Canaques : les mines ne rendant plus, spéculateurs et colons se rejetèrent sur l’agriculture. L’administration, qui, pour attirer des Européens dans l’île, leur offrait des concessions, souvent dédaignées, se trouva tout à coup débordée de demandes de terrains : il fallut s’exécuter et, comme on ne peut donner que ce que l’on a, les maîtres de la colonie empiétèrent avec la plus grande désinvolture sur le sol des indigènes. La côte ouest, renfermant plus de vallées arables que l’autre, les tribus de cette région se trouvèrent les plus molestées, principalement autour d’Uaraï et de Bourail. Dès lors, un nouveau grief enflamma les Canaques contre leurs envahisseurs.

Le sauvage, comme la femme, comme toute créature faible obligée de recourir à la ruse pour lutter contre la force, sait admirablement dissimuler. « À quoi bon nous inquiéter de ces grands enfants ? » murmuraient dédaigneusement maints colons. Mais, parmi ces grands enfants, qui se faisaient tels parce qu’ils étaient forcés de tout subir, il se trouva des hommes.

Ataï était grand chef des tribus de Farino et de Poquereux, dans l’arrondissement d’Uaraï. C’était un homme de