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Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/195

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tendu, ces déductions ne se firent que plus tard dans notre esprit.

Nous arrivâmes à Biahoué : le village semblait absolument désert. Mes parents, fatigués d’une marche de douze kilomètres, s’assirent sur le gazon, sous l’ombrage des grands cocotiers, dont Malakiné se disposait déjà à cueillir les noix à notre intention. Pour moi, j’avais des fourmis dans les jambes : je ne sais quel mobile m’entraînait plus loin : une vague intuition me fit, cependant, sous prétexte qu’il m’incommodait, laisser mon revolver à mes parents et, priant ceux-ci d’attendre mon retour, qui ne tarderait pas, je poussai seul jusqu’au Vieux Diahoué.

Il y avait, dans cette localité, distante peut être d’un tiers de lieue, sur les bords d’un joli ruisseau, une case devant laquelle, plusieurs fois, déjà dans mes courses aventureuses, je m’étais arrêté pour causer et rire avec sa propriétaire, une popiné assez avenante, d’âge sortable et qui n’était pour moi qu’une connaissance non intime. Je m’y rendis, uniquement par besoin, après ma longue claustration, de voir des visages autres que ceux du poste. Je trouvai la Canaque à sa place favorite, au pied d’un bel arbre qui, au contraire des humains, chauffait sa tête feuillue au soleil et rafraîchissait son pied dans l’onde courante. Madame Deshoulières n’eût pas choisi plus idyllique endroit pour y mener paître ses chères brebis. Mais à mon étonnement, la noire beauté qui, d’habitude ne dédaignait pas de plaisanter avec moi, en tout bien tout honneur, m’accueillit, cette fois, avec une contrainte embarrassée qui me frappa.

Elle n’était pas seule : une vieille et deux ou trois hommes, d’âge plutôt mûr, étaient accroupis sur le sol