Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/202

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grand émoi et grande bousculade dans le souterrain : on venait d’annoncer l’approche de deux cents guerriers, traversant la rivière. Information prise, il se trouva que ce n’étaient que quelques popinés ramassant pour leur dîner, des sauterelles, plus abondantes en ce pays que les pièces de cent sous.

Notre retour au chef-lieu produisit parmi nos amis une véritable sensation : on nous considérait un peu comme des ressuscités. À Nouméa, aussi, les craintes avaient été vives, les fuyards de Bouloupari ayant encore exagéré la situation déjà fort grave.

— « Ils sont au quatrième kilomètre ! Ils sont à Montravel ! » (c’est-à-dire dans la ville même), s’écriaient les alarmistes. En réalité, les insurgés s’arrêtèrent, et ce fut leur tort, à dix bonnes lieues de Nouméa.

La première mesure prise avait été de réunir tous les indigènes travaillant chez les citadins et de les diriger sur l’île Nou, la seconde d’autoriser la formation de corps francs. Les déportés qui, deux mois durant, avaient combattu cent mille réguliers versaillais, eurent sous les yeux le réjouissant spectacle d’une caricature de garde nationale, commandée par des Tartarins tremblant de leur ombre et empêtrés dans leur ferraille. Quelques détachements de cavaliers, comme ceux de M. de Greslan, se montrèrent, toutefois de précieux mais cruels auxiliaires. Il serait injuste d’oublier les déportés arabes qui, avec l’espoir d’une grâce, formèrent un petit corps équestre d’intrépides guerriers. Leur attitude était blâmable, mais leur bravoure superbe : l’un d’eux, Baschir, armé simplement d’un long fouet, traversait, seul, au galop, des bandes d’insurgés qu’il stupéfiait ou faisait fuir. Tant de zèle ne leur servit point : le gouvernement,