Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/207

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presseurs aux institutions, les plus grandes coupables.

L’enterrement de ma mère fut religieux. Élevée dans une famille mi-aristocratique, mi-bourgeoise, elle avait conservé ses croyances spiritualistes et, sans s’inféoder à la lettre ou même à l’esprit étroit du dogme, elle avait exprimé bien des fois le désir d’être enterrée comme l’avaient été tous ses ascendants. Au nom de la liberté, mon père et moi nous inclinâmes et le cercueil, accompagné quand même par nos amis d’exil, entra à l’église. Est-il besoin de dire que l’anarchiste d’aujourd’hui ne regrette pas ce respect témoigné non à un culte ennemi, mais à un sentiment et une volonté ?

Quelques jours après, Louise Michel, que nous ne connaissions pas, arriva droit chez nous de la presqu’île Ducos. Après sept années passées dans les vallées de Numbo et Tindu, la vaillante révolutionnaire était autorisée, ainsi que plusieurs blindés (pittoresque surnom des condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée), à résider au chef-lieu. Elle nous apportait une lettre et des nouvelles de Mabille.

L’exil prolongé n’avait pas abattu le stoïcisme de ce vieux lutteur, habitué à souffrir pour cette république dont tant de rastaquouères vivent grassement. Du reste, les nouvelles de France étaient favorables et quand on apprit que Mac-Mahon, poussé de plus en plus à gauche, malgré ses résistances désespérées, avait fini par se démettre après s’être soumis, tout le monde se dit : « L’amnistie n’est pas loin. »

Une détente, très sensible se produisit alors : non seulement les commerçants, mais même les fonctionnaires regardaient les déportés d’un œil tout différent. Les seconds, se dépouillant de leur morgue passée, recher-