Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/228

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comiquement leur intention de ne plus se mêler de politique, dût le globe terrestre s’écrouler, et de vivre désormais en bonnes bêtes de somme.

Cinq revenaient du bagne : Dacosta, l’ancien secrétaire de Raoul Rigault à la Préfecture de police, mathématicien distingué et grammairien patriote ; Girault, condamné pour participation des moins démontrées, à l’exécution des otages ; Fortin, ci-devant chef de bataillon, qui s’était admirablement battu dans Belleville et, sous ses allures de bon garçon sans souci, couvait un désespoir d’amour, — les absents n’ont-ils pas toujours tort ! — Laurent, qui avait aussi commandé quelque part et, à son retour, se dédommagea du bagne par le mariage ; Lenôtre, brave officier fédéré, à l’intelligence lucide, rendu poitrinaire par les corvées de l’île Nou et qui nous abandonna en route, cousu dans un sac avec un boulet de cinquante livres aux pieds.

Une trentaine de droits communs, libérés qu’on rapatriait, étaient parqués dans un compartiment de la batterie, contigu au nôtre. On avait d’abord voulu les mêler à nous ; les communards protestèrent vivement, sentiment qui ne laissa pas de me choquer comme peu égalitaire. Était-ce bien la peine d’avoir levé un drapeau d’émancipation pour rebuter des malheureux qui, somme toute d’après l’expression bourgeoise même, avaient payé leur dette à la société ? Un de ces malheureux, condamné pour meurtre, avait été reconnu innocent au bout de quinze ans de bagne et après avoir eu les deux jambes broyées sous un éboulement pendant qu’il piochait sur la route de Nouméa au Pont des Français. Le véritable assassin ayant fait des aveux complets, il avait bien fallu libérer l’innocent forçat, ce que les tortion-