Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/248

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graphique, un crayon de verre, des imprimés et une location de journaux montant à trois francs par mois, je créai audacieusement l’Agence Cosmopolite, qui eut Rothschild pour abonné.

Désormais j’avais une occupation indépendante qui me permettait de vivre sans exploiter personne, car j’étais à la fois directeur, traducteur, copiste, secrétaire et caissier. Cinq ou six fois par mois, Gomer déchu de son rang de propriétaire, allait porter la copie dans les bureaux, afin d’inspirer la croyance à un personnel nombreux et je le payais le plus largement possible : je ne possédais, je l’avoue, aucun correspondant à Londres, Berlin, Saint-Pétersbourg, Vienne ou Rome, mais me tenais soigneusement au courant de tout le mouvement européen, lisais le plus de journaux possible et, ma foi, ne dédaignais pas de donner, de temps à autre, libre cours à mon imagination. Absolument ignorant des opérations de Bourse, j’ai pu pendant cinq années, donner des nouvelles financières. L’Agence Cosmopolite, cela sonnait bien, flattant mes sentiments anti-chauvins et, en même temps, donnant l’illusion d’une maison ramifiée un peu partout.

Je m’étends quelque peu là-dessus, l’abonnement de Rothschild, que je n’avais aucune raison de cacher à mes amis, ayant servi de prétexte à M. Édouard Drumont et à l’ex-séminariste Mourot pour calomnier les anarchistes en général et moi en particulier. J’avais vendu au financier juif ou plutôt à sa banque, car lui je n’eus jamais occasion de le voir, des traductions et revues de presse étrangère absolument comme un cordonnier eût vendu une paire de bottes, ou comme le fougueux anti-sémite lui-même eût vendu des numéros