Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/261

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poète. Deux ou trois fois, attiré par les affiches j’étais entré dans des réunions publiques où péroraient de jeunes libertaires et, je l’avoue, en étais sorti, écœuré de la grossièreté de langage, du manque de science et d’idées élevées ou pratiques, me demandant comment semblables déclamateurs pouvaient être écoutés cinq minutes. C’étaient alors les débuts du parti : à part deux ou trois, les hommes de valeur comme Reclus, Kropotkine, Émile Gautier étaient retirés de la lutte ou confinés dans leurs études de cabinet ; une tourbe de braillards ignorants qui devaient plus tard nous quitter, — bon débarras ! — pour le boulangisme ou l’anti-sémitisme, hurlaient épileptiquement et s’intitulaient anarchistes parce que c’était l’épithète la plus avancée. Ils commençaient à former des groupes aux noms rocambolesques : le Poignard, la Torche, la Bombe, etc. Mais le Poignard n’entaillait jamais, la Torche fumait sans brûler et la Bombe ne faisait rien sauter.

Je puis sembler sévère : je ne crois pas être injuste. C’est parce que je veux triomphante et non ridiculisée l’idée pour laquelle nous luttons, que j’attaque, comme je l’ai fait depuis des années, ce romantisme imbécile qui ne cache que le vide d’idées sous l’emphase des mots. Si on combat, c’est pour vaincre et, pour vaincre, il faut savoir. Quoi ! vous voulez détruire les bastilles du Capital, briser le gourdin de l’État, et vous ne vous demandez pas comment assurer la consommation dans la commune insurgée, l’échange amiable entre villes et campagnes, le ravitaillement, la circulation, les correspondances, et cette misère, qui a bien son importance : la défense ?