Page:Malato - La Grande Grève.djvu/126

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connaissait assez l’esprit des forçats du camp pour être sûr qu’ils se feraient un plaisir de ne pas le délivrer tout de suite, l’empêchant de donner l’alarme par le télégraphe.

Les condamnés, en effet, s’étaient peureusement éloignés de la case, comprenant qu’il devait s’y passer une scène terrible à laquelle ils ne voulaient pas se trouver mêlés. Ils feignaient de reprendre leur travail de la veille, donnant un coup de pioche toutes les deux minutes.

Jamais ils ne se fatiguèrent moins que ce matin-là.

Seulement, lorsqu’ils virent le soleil marquer dix heures — l’heure de la distribution des vivres, suivie de la sieste — les condamnés, plus étonnés que fâchés de l’absence prolongée de Carmellini, se hasardèrent dans la case.

Ils y trouvèrent, à côté du cadavre de Janteau, le surveillant qui avait repris ses sens, mais qui, ligotté, bâillonné et dévêtu — Détras ne s’était point donné la peine de le rhabiller — écumait d’une rage impuissante.

Mais plus de Détras !

Peut-être quelques forçats avaient-ils aperçu un homme de forte taille, vêtu de blanc, disparaître rapidement derrière la case, du côté des broussailles. Mais aucun d’eux n’en ouvrit la bouche : ces malfaiteurs n’étaient pas des mouchards.

Nous dirons plus tard ce qu’il advint de Détras.

Carmellini fut rappelé à l’île Nou avec des notes si défavorables que, pendant les six années qui suivirent, il demeura surveillant de troisième classe.

Des condamnés de Mersey, Galfe seul restait au bagne.

À l’époque où nous sommes arrivés, il traînait depuis dix ans une vie de douleur. Dès son arrivée à l’île Nou, on l’avait, sans autre motif que sa qualité d’anarchiste, accouplé à la double chaîne avec un empoisonneur. Puis on le jeta au milieu des con-