Page:Malato - La Grande Grève.djvu/198

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attendant l’aide des événements pour y mettre entièrement fin, mais ils ne s’attardaient pas aux déclamations stériles.

Ce que, si on se reportait à dix ans en arrière, ils semblaient avoir perdu en élan impulsif, ils l’avaient gagné en solidité consciente.

Ronnot était mort : Vilaud, attiédi par l’âge, se tenait très calme ; Jaillot, après son retour du régiment, ne trouvant plus à s’employer aux mines de Mersey, était parti pour Rive-de-Giers. Comme eux, d’autres anciens étaient morts, assagis ou partis. C’est la loi naturelle ! Mais d’autres avaient surgi qui, sans bruit, sans éclat, se faisaient éducateurs de leurs camarades. Si une période de lutte, comme en 1882, revenait, la direction trouverait cette fois devant elle, non plus seulement de naïfs enthousiastes, mais des réfléchis tenaces qui sauraient disputer la victoire sans se laisser griser ni abattre.

Pour le moment, la circonspection des militants, refusant de tomber dans les pièges que leur tendait Moschin, avait sauvegardé l’existence du syndicat. C’était beaucoup, nul autre groupement de travailleurs n’ayant pu jusqu’alors se fonder dans la région.

Les mineurs réunis au Fier-Lapin se connaissaient tous les uns les autres. Ils savaient qu’ils pouvaient parler entre eux sans que leurs paroles fussent rapportées aux mouchards de la direction. D’ailleurs, ils ne conspiraient point et n’avaient même pas l’air de conspirer comme leurs devanciers de 1882.

— Oui, reprit celui qui avait pittoresquement comparé le gouvernement à un gendarme veillant sur un coffre-fort, il faudrait faire la révolution dans la commune en chassant la municipalité réactionnaire. Ce serait, du moins, un commencement.

Sur ces paroles, la conversation devint confuse, plusieurs mineurs parlant à la fois.

— Ce que tu nous dis là, Bernard, dit un vieux,