Page:Malato - La Grande Grève.djvu/199

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n’est pas facile à faire. On nous chante bien que le bulletin de vote nous rend souverains : cela n’empêche pas, depuis un demi-siècle, tous les mystificateurs de se foutre de nous et les maîtres de rester les maîtres.

— Si on s’adressait à l’Union populaire, suggéra un jeune. Pour sûr elle nous aiderait à lutter ici contre la calotte et les gros bonnets. Ça les ferait peut-être réfléchir.

— Ou ça les exaspérerait. N’importe, ton idée a du bon.

— Autrefois, fit un ancien, on s’est aussi adressé à un individu de Lyon pour venir nous faire des conférences, un nommé Baladier, soi-disant un type épatant. Ah ! le cochon ! ce qu’il nous a mis dedans ! Il était de la police.

— C’était du temps de la bande noire, ajouta un autre. Plusieurs de nos camarades sont allés au bagne ; quant à Baladier, on n’a jamais su ce qu’il était devenu.

— Pardon ! J’ai entendu dire que les anarchistes de Genève l’avaient flanqué dans le lac. Malheureusement il savait nager.

— Pour en revenir à ce que nous disions, reprit Bernard, je crois que le concours des radicaux en vue du département et de l’Union populaire pourrait nous aider à créer dans Mersey un mouvement sérieux. Non pas une révolution comme l’espéraient nos camarades de 1882 — les révolutions ne se décrètent pas et celle qui jettera bas la bastille du Capital peut venir soit demain, soit dans quinze ans — mais une forte agitation des esprits. La population tout entière nous est au fond sympathique ; préparons le terrain, non par des déclarations furibondes, mais par des discours sensés, des manifestations pacifiques en dehors de notre travail ; intéressons à notre cause des personnages qui comptent par leur situation et leur nom, comme le doc-