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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/295

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voir à mon retour au pays. Il est de Seine-et-Loir, moi du Rhône ; aussi nous nous considérions comme pays. Mais les années se sont écoulées et je suis resté sans nouvelles de lui. D’ailleurs je voyageais de mon côté.

Tout cela fut dit si naturellement que Martine sentit ses soupçons vaciller. Pourtant le plan qu’il avait imaginé lui semblait meilleur, n’entraînant aucun risque si, comme il inclinait maintenant à le croire, ce voyageur appartenait à l’espèce de gens reconnus honnêtes par la société.

— Je ne connais personne dans le pays qui réponde au signalement de votre ami, fit le mouchard. Peut-être s’est-il établi ailleurs.

— Peut-être, répondit Détras.

— Celui dont je voulais parler tient aujourd’hui un cabaret du côté du Brisot, pas loin de Gênac, avec une femme encore jeune, la veuve d’un individu mort à la Nouvelle. Ils ont avec eux une petite fille.

Mort à la Nouvelle ! Ceci était une ruse de Martine pour endormir toute défiance de Détras en lui faisant croire qu’on ne le recherchait plus.

Chacune de ces paroles entrait dans le cœur de l’évadé. C’étaient bien ceux qu’il cherchait.

Il eut cependant la force de conserver jusqu’à la fin son impassibilité et de répondre :

— Certainement non, ce n’est pas celui dont je vous parle. Tant pis, je le regrette… Combien vous dois-je ?

— Douze sous, fit machinalement Martine qui ajouta :

— Est-ce que vous allez du côté du Brisot ?

— Non, je vais sur Chôlon. Merci et adieu.

Détras paya et sortit, laissant le cabaretier mouchard fort perplexe.

Il était temps pour l’évadé de quitter le débit : il se sentait sur le point d’éclater. Dix fois son émotion avait failli se trahir.