Page:Malato - La Grande Grève.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

puits ? On eût pu le croire si, dans certaines galeries, des chuchotements mystérieux ne se fussent échangés de ci de là pendant l’éloignement des surveillants.

À sept heures, des coups de sifflet retentirent, se croisant, aigus, sous la voûte des galeries. Les hommes se rassemblèrent par équipes, quelques-uns avec une fébrilité inusuelle, au débouché des puits, s’engouffrant dans la cage de l’ascenseur où, à chaque étage, les attendaient des bennes vides et, à un coup de cloche, la remonte commença. L’abîme rendait à la vie extérieure son misérable contingent de chair à travail.

Un observateur eût pu s’étonner d’une chose, c’est que, une fois remontés, les mineurs, au lieu de se diriger de leur habituel pas lourd vers les estaminets se laver la gorge de la poussière de charbon, prenaient rapidement le chemin de leur demeure ; d’aucuns, et même assez nombreux, celui en ligne directe du bois de Varne.

Détras et Vilaud, ce dernier habitant lui aussi sur la route de Saint-Vallier, cheminaient ensemble.

— Nous serons plus nombreux que jamais à la réunion de ce soir, disait le premier. Les camarades de Montjeny ont l’intention de fonder eux aussi une société.

— Pourquoi n’adhèrent-ils pas simplement à la nôtre ? Plus on serait nombreux, mieux ça vaudrait.

— Je ne sais pas ; en tout cas, il en viendra de là-bas.

Albert Détras développa son idée. Il préférait un réseau de petites sociétés, bien compactes, bien unies entre elles à ces associations énormes, qui justement parce qu’elles comptent une foule de membres finissent par se désagréger, tiraillées entre toutes les tendances et tous les tempéraments, ou alors deviennent un troupeau sans initiative, conduit par quelques hommes.