Page:Malato - La Grande Grève.djvu/490

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— Qu’as-tu ? lui demanda-t-il inquiet.

— Rien.

Et leurs regards se rencontrant échangèrent la même pensée. Celui de la jeune femme démentait ce mot prononcé pour rassurer, « rien ». Galfe comprit.

— Il ne faut pas croire aux pressentiments, dit-il machinalement.

— Non, fit Céleste.

Et malgré ce « non », malgré un effort pour sourire, elle demeurait pensive.

— Chôlon ! murmura-t-elle un instant après, incapable de cacher plus longtemps sa pensée. Cette ville nous a toujours porté malheur.

C’était là, en effet, que toute enfant, elle avait commencé sa vie de misère, auprès de sa mère, esclave d’un ménage bourgeois, et à la mort de ses maîtres, jetée sur le pavé. C’était là qu’elle avait été, plus tard, emmenée prisonnière. C’était là qu’elle avait été frappée du coup le plus terrible — comment n’en était-elle point morte ? — en entendant les juges prononcer la condamnation de l’amant qu’elle aimait plus que tout au monde et faire d’elle une veuve.

Et maintenant, après avoir quitté Mersey, un peu émue, mais non attristée, puisqu’elle demeurait en compagnie de Galfe, elle venait de se sentir tout à coup assaillie d’un pressentiment indéfinissable.

— Sois tranquille, dit Galfe étreignant longuement son amie. Cette fois la mort elle-même ne saurait nous séparer.