Page:Malato - La Grande Grève.djvu/89

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C’est que, moins pour elle que pour le petit être qui allait venir et aussi pour envoyer quelque argent au prisonnier, elle n’avait cessé de travailler, vivant d’un bol de lait et d’un peu de soupe. Il fallait que Panuel, qui venait la voir tous les jours, se fâchât pour lui faire de temps à autre boire un verre de vin et manger un peu de viande. Et le brave homme, qui lui avait offert inutilement de l’argent, devait s’ingénier pour lui faire accepter quoi que ce fût.

— Mais, ça n’a pas de bon sens ! exclamait-il. Comment vous me refusez… à un vieil ami comme moi !

— Non, répondait la fière jeune femme en lui serrant affectueusement la main. Vous êtes un travailleur, vous aussi, et tant que mes doigts pourront tenir l’aiguille, je ne veux être à charge à personne. Plus tard, si je tombais malade, si je mourais après avoir donné naissance à l’enfant d’Albert, j’ai votre promesse… cela me suffit. Pour le moment, l’ouvrage ne manque pas : laissez-moi travailler.

L’abbé Firot, depuis la rude correction qui avait terminé sa dernière tentative, faisait prudemment le mort. Certes, il aurait sa revanche quelque jour, mais convenait-il de compromettre sa situation, son avenir, en s’acharnant à la conquête d’une femme, alors qu’il n’avait qu’à jeter son mouchoir à dix autres pénitentes ?

Donc Geneviève était venue à Chôlon, accompagnée de Panuel. Les femmes des autres mineurs s’y trouvaient également, quelques-unes hospitalisées fraternellement par des ménages ouvriers, d’autres logeant à deux afin de réduire les frais.

Chamot, lui aussi, était à Chôlon, logeant dans un coquet pavillon de la rue des Lilas, mis à sa disposition par le banquier Hachenin. Il y trônait comme un monarque, entouré à la fois d’une cour et d’une garde. Outre sa femme et sa nièce, la comtesse de Fargeuil était venue le joindre, curieuse d’assister à un procès aussi sensationnel et peut-être au fond,