Aller au contenu

Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nellement à leur fortune, en cent quatre-vingt-douze centuries. Éternelle falsification du suffrage dit « universel »[1]. Mais ce n’était pas assez d’avoir frustré les prolétaires de tous droits politiques, on s’acharna à leur rendre la vie impossible. Comme de nos jours, la situation des petits cultivateurs, ruinés par les guerres, les impôts et les usuriers était effroyable. À toute époque, le paysan a été la bête de somme corvéable à merci. Les droits que la loi romaine donne au créancier sur son débiteur font frémir : le malheureux qui ne pouvait payer était chargé de chaînes pesant au moins quinze livres, jeté en prison, battu de verges et nourri dérisoirement d’une livre de farine par semaine. Cela n’était encore rien : si, au bout de soixante jours, après la publication de la dette répétée en trois marchés, le débiteur n’avait pu payer ou transiger, il était vendu au-delà du Tibre ou tué ; s’il avait plusieurs créanciers, ceux-ci étaient autorisés à se partager les lambeaux de son corps. Cela dura jusqu’à la loi Hortensia, en 286 (av. J.-C.).

Certes, les philanthropes peuvent constater avec orgueil que, chez nous, la prison pour dettes, abolie du reste depuis 1867, fut moins cruelle. Il est vrai que notre raffinement de civilisation n’empêche pas les crimes, les suicides et la prostitution, mais les économistes bourgeois sont là pour prouver que la propriété individuelle, n’est pour rien dans ces misères !

  1. On votait, non par tête d’habitant, mais par centurie. Une fois que la majorité était acquise, on cessait même de poursuivre le vote.