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Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/12

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Les Romains eurent la passion propriétaire[1] à son paroxysme : chez eux, épouse, enfants étaient la chose du chef de famille[2].

Les premiers siècles de la république s’étaient passés en luttes entre patriciens et plébéiens : à la fin, ceux-ci l’emportèrent, mais la masse n’y gagna rien. En effet, ce n’était que les plus fortunés des roturiers qui avaient supplanté les nobles ; l’oppression avait été non détruite mais déplacée, elle pesait maintenant, plus lourde que jamais, sur les non-possédants, sur le peuple immense des vaincus incorporés et des esclaves. Émancipés de la veille, les riches plébéiens s’étaient grandis dans des charges publiques créées exprès pour eux, et avaient fusionné avec les anciens nobles. Éternelle histoire des castes privilégiées, que les prolétaires eux-mêmes contribuent à élever ! Deux mille ans plus tard, chez un peuple qui, au nom de l’égalité, venait de couper la tête à son roi et à ses seigneurs, on devait voir une aristocratie d’argent, cauteleuse et avide, remplacer l’aristocratie d’épée, et de fougueux démagogues ramasser, pour s’en parer, les débris de la ferblanterie héraldique.

  1. Tous nos sentiments sont empreints de cette passion propriétaire. A-t-on jamais calculé la dose d’égoïsme contenue dans cette exclamation de l’amour : Tu es à moi !
  2. Sous Romulus, un mari tua impunément sa femme qui n’avait fait que goûter du vin. Une autre malheureuse fut condamnée à mourir de faim pour avoir ouvert un cellier. Tertullien dans son Apologétique, regrette « cette antique félicité du mariage fondée sur des mœurs qui en cimentaient toute l’harmonie ! » Quant aux pères qui se firent les assassins de leurs enfants, sans y être poussés comme Brutus et Manlius par des motifs graves, ils furent très nombreux.