Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/115

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et, phénomène propre à toutes les grandes révolutions, les chefs guident les foules moins qu’ils ne sont guidés par elles. Les Huns, comme une avalanche, couvrent la Thrace, l’Illyrie, la Pannonie, la Germanie et jusqu’à la Gaule. Aétius les en chasse : ils se rejettent sur l’Italie ; le climat, la maladie les déciment ; vainqueurs, ils sont aussi épuisés que les vaincus. L’évêque romain s’interpose et l’extermination s’arrête.

Ce rôle de médiateur sera celui des pontifes jusqu’au jour où ils le changeront contre celui des maîtres.

Phénomène bizarre, la papauté, aujourd’hui à l’agonie, tend fatalement à reprendre ses anciennes fonctions d’arbitre, retraçant en sens inverse, dans sa décrépitude, les phases de sa naissance.

Singulièrement démodée à notre époque de science et de critique, l’Église romaine, cette épave qui a survécu à tant de naufrages, est destinée, malgré l’habileté de ses chefs, à disparaître avant peu dans la grande commotion politico-sociale que nous réserve cette fin de siècle.

Vainement, tentant un retour impossible aux doctrines primitives, balbutie-t-elle à contre-cœur le mot socialisme. Vainement s’adresse-t-elle aux prolétaires, aux déshérités ; ceux-ci qu’elle a abandonnés, sacrifiés, trompés pendant des siècles ne la connaissent plus : ils sentent qu’elle cherche à les tromper encore[1]. Prisonnière, d’ailleurs, des gou-


  1. « Ce mouvement des classes ouvrières, a dit le cardinal Mermillod, nous apparaît comme un torrent qui descend des