Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/13

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Deux forces concouraient à maintenir l’ordre de choses établi : la religion et le droit. Tant qu’ils avaient eu leur fortune politique à faire, les tribuns du peuple avaient battu en brèche la superstition avec laquelle on enchaînait les masses. Une fois parvenus, ils avaient fait volte-face : le bon temps des augures et des prodiges était revenu. Ne sont-ils pas dignes de ces tribuns romains, nos bourgeois voltairiens qui philosophent au coin du feu et vont à la messe, proclamant la nécessité d’une religion pour le peuple ?

D’un autre côté, la jurisprudence, jadis mystérieuse, presque mystique, s’était développée avec l’ordre social ; multipliant les formules et les procédures, elle était devenue une science ouverte à tous, en apparence, mais, en réalité, inaccessible comme toute science, au vulgaire n’ayant ni le temps ni la faculté d’étudier : commencement du règne des avocats.

Les oiseaux de proie sont là, maintenant, qui emplissent le Forum de leurs cris aigus. L’âpreté romaine s’est mariée à la subtilité grecque et, du mariage, la chicane est née. Le terrain où doit germer la scolastique du moyen âge, se prépare admirablement.

Sept siècles après la fondation de Rome, ce fumier était en pleine floraison. Pontifes, jurisconsultes, nobles anciens et nouveaux se disputaient les dépouilles enlevées à l’univers et rapportées dans la ville souveraine par des généraux qui ne furent jamais dépassés en avarice et en cruauté. Et le peuple, corrompu par ses maîtres, devenu lâche et cruel, ramassait les miettes.