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fourrés, cuistres, batailleurs, hypocrites et, dans sa Thélême, ébauche du phalanstère de Fourier, proclame la formule anarchiste : « Fais ce que veulx. »

Le mérite de Rabelais fut de s’inspirer de lui-même, de sa joyeuse et puissante individualité qu’il sentait participer à la vie universelle. Presque tous ses devanciers n’avaient eu qu’un art : bien copier : il osa voir, entendre, sentir, il osa fidèlement traduire les besoins de liberté et de bien-être inhérents à la nature humaine, besoins que les civilisations les plus raffinées, les institutions, les lois n’ont pu étouffer complètement et qui, après avoir été longuement comprimés, explosent, à certaines périodes sociales, avec une force terrible.

Avec lui, est né le panthéisme à tendances matérialistes, qui emplira les xviiie et xixe siècles, pénétrant les métaphysiciens eux-mêmes, par Spinoza, par Gœthe, par Hegel. Ah ! cette nature si longtemps niée, combattue, outragée, comme elle prendra sa revanche ! On l’avait proscrite au nom de Dieu, l’être fantasque cruellement illogique : à son tour, elle chassera Dieu.

Incomprises à son époque, les idées de Rabelais ne sont pas perdues, elles tombent dans un terrain que labourera le soc des guerres religieuses : elles germent et l’auteur de Gargantua ressuscite sous les traits de La Fontaine pour crier : « Notre ennemi, c’est notre maître ! » pour, mettant en scène les animaux, censurer en eux sans péril nos travers et nos vices, souvent nos institutions ; bien plus, les voilà rattachés à la vie commune ces frères inférieurs avec lesquels Lamarck et Darwin établi-