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Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/171

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fraternité universelle, dans les élans d’un sublime enthousiasme, la Révolution aboutit au triomphe d’une caste incarnant le plus effroyable égoïsme. Bien loin sont les traditions chevaleresques de l’ancienne noblesse : Doit et Avoir ont remplacé Dieu et le Roi ; tout va très vite, d’ailleurs, car « le temps est de l’argent », déclare l’Anglais pratique, et la vapeur devient l’emblème de cette société, qui durera cent ans comme sa précédente a duré douze siècles. En moins de vingt années, une transformation se fait dans les mœurs, qui eût demandé autrefois des siècles pour s’accomplir. Les boutiquiers enrichis forcent les portes des salons aristocratiques, au grand désespoir des gentilshommes qui ont conservé leur morgue mais perdu leur argent, et une fusion commence à s’accomplir. Plus moyen, pour les héritiers des grands noms, de faire bâtonner ces insolents, laquais hier, égaux aujourd’hui, maîtres demain. « Ah ! marquis de la bourse-plate, grommellent les parvenus en redressant leur échine, je te vaux bien ; moi aussi, j’ai mes armoiries : un million en obligations sur l’État, consciencieusement ramassé dans la bonneterie, gros et détail. » — « Je suis le fils de mes œuvres, dit fièrement tel autre ; je ne dois rien qu’à mon travail, j’ai fait fortune dans les affaires. » TravailAffaires, comme ces deux mots jurent ensemble ! Les « affaires », c’est-à-dire l’agiotage sur les biens nationaux, les spéculations de Bourse, la falsification des denrées, les fournitures fictives aux soldats ! Et ces honnêtes travailleurs de se rengorger, et l’épicier du Marais, généreux par orgueil, de taper familièrement sur