Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/175

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envahi, tout écrasé ; comme le voulait Saint-Simon, la banque est devenue le pivot autour duquel tourne l’axe social ; enfin, ces capacitaires s’appelant Péreire, Michel Chevalier, de Lesseps, disciples enthousiastes du maître, ont atteint gloire et opulence : la situation misérable du prolétaire n’a pas changé.

Saint-Simon, mystique de génie, qui put, de bonne foi, se croire envoyé du ciel pour régénérer le monde, jeta sa fortune dans la vie pour mieux l’analyser : il mourut pauvre. Ses disciples, pleins d’ardeur et de dévouement au début, glissèrent bientôt dans la plus étrange folie religieuse, s’éloignant, à mesure qu’ils théocratisaient, de ce peuple qu’ils avaient cru émanciper. Une scission se fit : les uns se retirèrent pour devenir, à leur tour, chefs d’école ; les autres, groupés en la maison commune de Ménilmontant, vécurent sous la direction d’Enfantin, père suprême, jusqu’au jour où le gouvernement, agacé plutôt qu’effrayé par l’agitation peu redoutable de ces sectaires[1], les contraignit à se disperser. Vingt années après, les plus marquants de ces apôtres étaient devenus des privilégiés d’une société dont ils avaient éloquemment flétri l’égoïsme.

Le Saint-Simonisme, qui s’éleva entre le vieux culte mortellement blessé et les aspirations confuses des masses, fut par-dessus tout une religion. « Les ravages de l’anarchie actuelle, déclare-t-il, sont là qui attestent qu’il est temps de fortement

  1. D’aucuns n’avaient-ils pas la naïveté d’adresser à Louis-Philippe des lettres le sommant de démissionner en faveur du grand chef saint-simonien !