Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/176

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réagir. Nous proclamons d’abord la réhabilitation de la chair, l’émancipation de la femme et l’avènement du nouveau christianisme, religion de l’avenir révélée à Saint-Simon. »

De tels dogmes pouvaient étonner, séduire même quelque temps ; ils ne pouvaient pénétrer la masse d’une impression durable. En ces hommes au costume étrange, aux allures sacerdotales, l’ouvrier, quelle que fût sa confiance naïve, saluait des philanthropes bienveillants, il ne reconnaissait pas ses égaux, ses camarades, vivant de sa vie et parlant sa langue. Phénomène bizarre ! la crédulité des foules n’a d’égale que leur scepticisme ; une profonde intuition se révèle à certaines heures chez le même peuple qui, naguère, se courbait, énamouré devant la toge d’un rhéteur ou le cheval de César.

Aux masses, de plus en plus exploitées par un industrialisme sans merci, ces grands mots amour, réhabilitation de la chair, sanctification de la beauté, disaient peu de choses et, pour le penseur, n’était-il pas évident que, dans la plus saint-simonienne des sociétés, la honte et la misère, apanage des moins capables, l’inégalité des conditions et, par dessus tout, le despotisme écrasant de l’État devaient reproduire les vieilles plaies sociales et rendre illusoire toute émancipation ?

Après Saint-Simon, les théoriciens du socialisme pullulent. Chacun croit avoir trouvé la vraie formule : c’est une Babel de systèmes, confusion dont les rétrogrades seuls rient ou se lamentent car cette diversité même de but et de moyens fournit des matériaux à l’avenir. L’élan intellectuel est donné :