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Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/209

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le marchand, prélevaient la dîme sur le serf de la glèbe, violaient sa femme et pendaient les manants selon leur bon plaisir. Louis XVI, roi débonnaire, décidait (ordonnance du 13 juillet 1777) que tout homme de seize à soixante ans, sain et bien constitué, trouvé sans moyens d’existence et sans profession, serait envoyé aux galères. De nos jours, pour avoir varié dans la forme, l’oppression de la caste dominante sur la caste dominée ne s’en exerce pas moins.

Liberté, égalité, dit le Code : le prolétaire est libre, en effet, de mourir de faim s’il ne trouve pas un maître qui veuille bien acheter son activité musculaire ou intellectuelle. Cent ans après la Révolution qui proclama les droits de l’homme et la suppression des castes, on a vu, à Limoges, une malheureuse, la femme Souhain, tuer ses cinq enfants parce qu’elle ne pouvait plus les nourrir, puis chercher à se tuer elle-même : les juges l’ont envoyé au bagne. Un an plus tard, au moment même où la foule inconsciente, grisée par la musique et les détonations de pétards, commémorait la prise de la Bastille, une famille parisienne de sept personnes s’évadait par l’asphyxie de cette société libre et égalitaire où, selon le pieux Malthus, il n’y a point place pour les pauvres au banquet de la vie.

Les statistiques de la criminalité parlent éloquemment[1]. En dépit des moralistes bourgeois, le flot grandit et menace de tout submerger ; bientôt les

  1. « À notre époque, déclarait le docteur Lacassagne au Congrès d’anthropologie criminelle tenu à Rome en 1885, la justice flétrit, la prison corrompt et les sociétés ont les criminels qu’elles méritent. » Quelles paroles pour un bourgeois !