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Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/210

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prisons ne seront plus assez vastes pour contenir les malheureux, vagabonds parce qu’ils ne peuvent payer un propriétaire, voleurs ou mendiants parce que, pour qui n’est pas exploiteur ou exploité, il n’existe que deux ressources : le vol ou la mendicité.

L’été, passe encore pour ce qui est du coucher : on peut dormir à la belle étoile ; les taillis des bois de Vincennes et de Boulogne sont hospitaliers ; malheureux et malheureuses peuvent même y goûter les douceurs de l’amour. Mais l’hiver ! la terre est gelée, il fait trop froid pour coucher sous les ponts ; les carrières d’Amérique et les Halles ne sont pas toujours un abri sûr, les rafles y sont fréquentes, les voisins parfois incommodes ; pour dormir à la corde[1], dans les infects taudis de la rue Mouffetard ou du faubourg Saint-Antoine, il faut deux sous : c’est une somme qu’on n’a pas toujours. Quant aux asiles de nuit, dernier mot de la philanthropie officielle, ils sont toujours encombrés au point de refuser du monde ; on ne peut d’ailleurs y trouver abri plus de trois fois consécutives. Le mieux est encore de se présenter au commissariat de police pour quémander une arrestation ou de tenter un coup : s’il réussit, on est sauvé ; si on est pincé, du moins, on aura la prison pour gîte et du pain sur la planche.

En prison, l’État qui s’est arrogé le droit de punir les déshérités, s’arroge, de plus, celui de les exploiter, car il est devenu patron : il fait fabriquer et vend.

  1. Dans ces établissements, les dormeurs non couchés mais assis dans une salle commune, s’appuient à une corde qu’on lâche le matin à l’heure du lever ; tant pis pour ceux qui ont le sommeil tenace, ils se réveillent à terre. De là le nom !