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Massacre dans les rues, fusillades sommaires dans les caves de l’École militaire, du Luxembourg et des forts, transportations en masse, rien ne manqua au triomphe de l’ordre.

« … On fait des milliers d’arrestations, écrivait Proudhon (lettre à M. Maguet en date du 28 juin), si l’instruction est sévère, il faut s’attendre à voir vingt mille citoyens jetés en prison[1]. Un décret de l’Assemblée nationale, rendu cette nuit, les livre tous à une commission militaire et leur applique la déportation au delà de l’Océan. Les bourgeois vainqueurs sont féroces comme tigres. » C’est partie remise, estimait le philosophe qui, englué à la Constituante, n’avait su que flétrir la cruauté des vainqueurs, et il ajoutait : « L’Assemblée nationale offre un spectacle désespérant par l’indécision et la stupidité. Ce sont les vendeurs du temple qui agiotent sur la république. Je ne serai soulagé que quand le peuple nous chassera tous à coups de pied. » Partie remise… hélas ! la saignée avait été trop forte et, malgré les efforts des socialistes militants, la classe qui avait écrasé le prolétariat acheva logiquement son œuvre, trois ans plus tard, en acclamant dans l’aventurier de décembre le pouvoir fort, capable de sauver la religion, la famille et la propriété.

Phénomène remarquable et qui est le plus sûr indice d’un prochain bouleversement social, les luttes politiques, au cours de ce siècle, sont devenues de moins en moins sanglantes, c’est ainsi que la révo-

  1. Il y en eut vingt-cinq mille ; les jugements en conseil de guerre s’élevèrent à deux cent vingt-neuf, les transportations à environ trois mille six cents.