Page:Malato - Révolution chrétienne et Révolution sociale, Savine, 1891.djvu/230

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filles du Transtévère, oubliant leurs rires et leurs gaies chansons au soleil, s’entassaient dans des fabriques sous la direction rigide de contre-maîtres anglais ; les jeunes Siciliens, à l’intelligence si précoce, s’étiolaient dans le travail meurtrier des solfatares. Les filatures d’étoffes se multipliaient dans le Nord, Milan faisait ronfler ses usines où s’aggloméraient Lombards, Piémontais, Vénitiens, Tyroliens, — agglomération qui a produit un énorme mouvement d’idées et fait de Milan la capitale morale de l’Italie.

Au premier rang des socialistes militants, se trouvait Carlo Cafiero, fils d’un richissime propriétaire de Barletta et âgé d’un peu plus de trente ans. Il n’était pas sans analogies avec Flourens : comme le général de la Commune, Cafiero pouvait prétendre à une vie de plaisir ou d’étude, à son choix, au sein de la bourgeoisie dorée ; comme Flourens, il était brave jusqu’à l’héroïsme, confiant jusqu’à la naïveté, doux, poli, généreux, d’une érudition profonde. Le paysan, l’ouvrier aimaient écouter ce bel homme à la barbe blonde, au doux sourire de Christ, éloquent, persuasif parce qu’il parlait avec son âme. Semblable à ces patriciens des premiers siècles qui, séduits par une morale supérieure, embrassaient le christianisme après avoir distribué leurs biens aux pauvres, le jeune socialiste avait abandonné une situation considérable et consacré sa fortune, son talent, ses forces à la propagande du verbe nouveau. Ami de Bakounine, il creusa, élargit les théories formulées par celui-ci, proclamant comme idéal non plus le collectivisme, c’est-à-dire la répartition selon les œuvres (et en effet, dans